From: Sent: Tuesday, December 22, 2015 4:08 PM
To: GROW; GROW DIR83-189-CENTRAL
Cc: (CAB-TIMMERMANS); (CAB-TIMMERMANS);
Subject: Observations FCD sur la compatibilité du projet de décret français relatif aux sacs
plastiques avec le droit européen
à l'attention de Mme et des personnes concernées par la notification n° 2015/0548/F - S10E Madame, Monsieur,
Nous souhaitons appeler votre attention sur le projet de décret "relatif aux modalités
de mise en œuvre de la limitation des sacs en matières plastiques à usage unique"
transmis par la France à la Commission européenne, le 25 septembre 2015, dans le
cadre d'une notification référencée 2015/0548/F - S10E dont l'échéance est fixée au 28
décembre prochain.
La Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) est l'organisation
professionnelle qui regroupe, en France, les enseignes de la distribution à
prédominance alimentaire (Aldi, Auchan, Carrefour, Casino, Cora, Lidl, Metro,
Monoprix, Système U...), sous tous les formats (hypermarchés, supermarchés et
magasins de proximité), ainsi que plusieurs enseignes spécialisées comme Boulanger,
Darty ou Decathlon. Nos adhérents sont donc redevables des obligations fixées par le
projet notifié qui vise, selon sa notice, " les personnes physiques ou morales livrant,
utilisant, distribuant ou mettant à disposition pour la première fois sur le marché
intérieur, pour les besoins de leur activité économique, des sacs en matières
plastiques".
Pour la FCD, le projet de décret notifié n'est pas compatible, en l'état, avec les
exigences du droit européen car sa définition des "sacs en matières plastiques à
usage unique" est contraire, d'une part, à l’esprit et à la lettre de la directive
(UE) 2015/720 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 modifiant la
directive 94/62/CE en ce qui concerne la réduction de la consommation de sacs en
plastique légers et, d'autre part, aux principes généraux du droit européen tels
qu'ils résultent notamment du Traité sur le Fonctionnement de l'Union
européenne (TFUE). La définition en cause, à l'article 1er du projet de décret notifié, dispose que les
"sacs en matières plastiques à usage unique" s'entendent, au sens du décret,
comme "les sacs en plastique d'un volume inférieur à 25 litres, ou d'une épaisseur
inférieure à 50 microns". Cette définition (1) ne respecte pas les objectifs fixés
par la directive (UE) 2015/720, (2) impose une restriction injustifiée à la
commercialisation de certains sacs, (3) ne respecte pas le principe de
proportionnalité, (4) contrevient au principe de non discrimination. 1. NON RESPECT DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA DIRECTIVE (UE)
2015/720 D'après le considérant 4 de la directive (UE) 2015/720, l’objectif des mesures que les
Etats membres sont appelées à mettre en œuvre est de réduire la consommation des
sacs en plastique d’une épaisseur inférieure à 50 microns (dénommés "sacs en
plastique légers"), du fait qu'ils sont "moins souvent réutilisés que les sacs en plastique
plus épais".
Le considérant 12 précise que "ces mesures peuvent varier en fonction des incidences
environnementales des sacs en plastique légers lorsqu’ils sont valorisés ou
éliminés, de leurs propriétés de recyclage et de compostage, de leur durabilité ou de la
spécificité de leur utilisation prévue, et compte tenu des éventuels effets de substitution
négatifs", ces critères se retrouvant à l'article 1er de la directive, dans les paragraphes qui
modifient l'article 4 de la directive 94/62/CE.
Enfin, le considérant 19 indique que "les mesures à prendre par les Etats membres pour
réduire la consommation de sacs en plastique devraient conduire à une réduction durable de
la consommation de sacs en plastique légers, sans entraîner d’augmentation globale de la
production d’embal ages".
En interdisant la mise à disposition de sacs en plastique réutilisables (sacs dits "à double
usage", utilisés comme sacs de caisse et réutilisables comme sacs à déchets) et qui peuvent,
de surcroît, être recyclés et incorporer des matériaux issus du recyclage, le projet de décret
notifié ne respecte pas les termes de la directive (UE) 2015/720 qui exigent qu'il soit
tenu compte de l'incidence positive de ces sacs à double usage sur l'environnement (au
regard notamment de l'utilisation des ressources), de leur aptitude à la réutilisation et
au recyclage, des effets de substitution de leur interdiction qui conduirait à la mise en
marché de sacs réutilisables moins économes en matières premières et en énergie, plus
chers pour les consommateurs, sans compter l'achat des sacs à déchets que ces sacs à
double usage permet d'économiser.
Par ailleurs, le projet de décret notifié impose, pour la définition des sacs à usage
unique, un critère de volume (< 25 litres) qui vient s'ajouter au critère d'épaisseur (<
50 microns). Si le critère d'épaisseur est conforme à celui retenu par la directive (UE)
2015/720, au considérant 4 et à l'article 1er modifiant l'article 3 de la directive
94/62/CE, le critère de volume n'est, en revanche, pas prévu par la directive. Or, le
seuil de 25 litres n'est pas pertinent pour déterminer le caractère réutilisable ou non des
sacs, car il conduirait à disqualifier certains sacs réutilisables aux qualités écologiques
pourtant éprouvées qui ont une épaisseur supérieure à 50 microns mais se trouveraient
frappés d'interdiction du fait de leur contenance inférieure à 25 litres, alors que ces
solutions appelées "mini cabas", d'une contenance de 12 ou 15 litres, sont
particulièrement adaptées aux volumes d'achats des magasins de proximité.
2. ABSENCE DE JUSTIFICATIONS DE LA RESTRICTION FAITE VIS-À-VIS DES SACS À
DOUBLE USAGE L'article 1er de la directive précitée modifie l'article 4 de la directive 94/62/CE en prévoyant
que "ces mesures peuvent comprendre le recours à des objectifs nationaux de réduction,
le maintien ou la mise en place d’instruments économiques, ainsi que des restrictions à la
commercialisation par dérogation à l’article 18 [de la directive 94/62/CE], à condition que ces
restrictions aient un caractère proportionné et non discriminatoire".
Cette disposition fait manifestement écho aux dispositions du TFUE qui interdisent toutes les
entraves discriminatoires à la libre circulation, à moins qu'elles ne soient justifiées par des
raisons d'ordre public, de santé publique ou de sécurité publique (articles 36, 45, 52 et 65
1.b).
Or, tel n’est pas le cas, en l’espèce, puisque les sacs à double usage sont conformes aux
objectifs environnementaux posés tant par la législation française (loi n° 2015-992 du 17 août
2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) que par la législation
européenne (directives précitées et, plus largement, directive-cadre sur les déchets).
On se contentera de rappeler ici que les sacs à double usage s'inscrivent pleinement
dans les principes de l'économie circulaire, à la fois parce qu'ils favorisent
la
réutilisation des sacs de caisse (au moins une fois, comme sacs à déchets) mais
aussi parce qu'ils contribuent à l'objectif de
recyclage puisqu'ils peuvent incorporer
des matériaux issus du recyclage (ce qui leur confère une épaisseur et donc une
résistance qui les rendent propres à être réutilisés, notamment comme sacs à déchets)
et qu'ils peuvent eux-mêmes être recyclés en fin de vie.
Le bénéfice environnemental des sacs à double usage n'est donc pas douteux et
certaines applications présentes sur le marché sont, de fait, déjà porteurs d'une
certification (de type Ange bleu par exemple). Ce bénéfice doit être comparé avec
celui des solutions alternatives qui seront certes des sacs également réutilisables mais
consommeront plus de matières et plus d'énergie, certains de ces sacs réutilisables ne
pouvant être, par ailleurs, ni recyclés ni compostés.
Enfin, sur un plan strictement économique, on rappellera que les sacs à double usage
présentent aussi l'avantage d'un moindre coût pour le consommateur (entre 3 et 5
centimes par sac, suivant la contenance) que les autres sacs de caisse réutilisables
(entre 15 centimes et 1 euro par sac, voire 2 euros pour certains sacs cabas). Sans
compter l'économie réalisée par le consommateur qui n'aura pas à racheter le produit
neuf équivalent s'il les réutilise comme sacs à déchets.
3. NON RESPECT DU PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ En tout état de cause, à supposer même que la restriction posée par le projet de décret notifié
à l’encontre des sacs à double usage soit justifiée par des raisons d'ordre public, de santé
publique ou de sécurité publique, ce qui n'est pas le cas, cette restriction ne respecterait pas
le principe de proportionnalité, principe général du droit de l’Union européenne issu de
plusieurs dispositions du TFUE (en particulier les articles 36, 45, 52 et 65) et s’imposant à
l’action des Etats membres (CJUE, 27 octobre 1993, C-127/92, « Enderby »), aux termes
duquel les mesures restrictives prises par un Etat membre doivent être limitées à ce
qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi par cet Etat membre (CJUE, 14 juillet
1983, C-174/82, « Sandoz »).
L’exclusion des sacs à double usage n’est manifestement pas nécessaire pour atteindre
l’objectif environnemental puisque ces sacs participent au contraire pleinement à l’atteinte de
cet objectif, comme il a été démontré pus haut.
4. VIOLATION DU PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION En imposant des restrictions à la commercialisation de sacs en plastique d’une épaisseur
inférieure à 50 microns, sans distinguer les sacs en matières plastiques conformes aux
principes de l'économie circulaire du fait qu'ils favorisent la réutilisation et le recyclage, alors
même qu’échappent à ces restrictions des sacs fournis comme emballage primaire pour des
denrées alimentaires en vrac ainsi que des sacs compostables en compostage domestique
et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées, le projet de décret contrevient
à l’article 2 de la directive (UE) 2015/720, l’article 18 de la directive 94/62/CE, et les principes
de non-discrimination, d’égalité de traitement et de proportionnalité garantis par le TFUE,
les mesures envisagées étant, par nature, discriminatoires et n’étant, au surplus, pas
proportionnées au but poursuivi.
5. CONCLUSION ET PROPOSITION Pour tous ces motifs, il importe que la Commission européenne déclare le projet de
décret qui lui a été notifié contraire aux exigences du droit européen, tant en ce qui
concerne les dispositions particulières de la directive (UE) 2015/720 que les principes
généraux résultant du TFUE, et qu'elle invite la France à modifier ce projet (a) en
supprimant le critère de volume et (b) en exonérant de l'interdiction les sacs à double
usage qui contribuent aux objectifs de réutilisation et de recyclage. a) S'agissant des critères de définition des "sacs en matières plastiques à usage unique"
: en cohérence avec la directive (UE) 2015/720, il convient de supprimer le critère du
volume (< 25 litres), absent de la directive, pour ne retenir que celui de l’épaisseur (<
50 microns), qui y figure au considérant 4 et à l'article 1er, au motif que des sacs de
petits volumes peuvent être réutilisés dès lors qu’ils sont très épais, comme en atteste
l'exemple des mini cabas évoqués au point 1.
b) S'agissant de l'exonération des sacs à double usage : elle pourrait prendre la forme
d'une exception explicite, dans la définition des "sacs en matières plastiques à usage
unique", bénéficiant aux sacs ayant une épaisseur comprise entre 30 et 50 microns et
qui respectent les caractéristiques techniques des normes encadrant les sacs à déchets
(NF EN 13592) et leur résistance mécanique (NF H 34-010). Le décret pourrait, en
outre, prévoir une "teneur recyclée" (à l'image de la "teneur biosourcée" visée par la
loi et son décret d'application), déterminant la part minimale de matières plastiques
recyclées devant entrer dans la composition des sacs à double usage, avec une
augmentation progressive du taux de 2016 (au moins 30%) à 2025 (au moins 70%).
L'exonération d'interdiction au bénéfice des sacs à double usage serait ainsi soumise à
des conditions strictes qui se cumulent entre elles :
- l'exigence d'une épaisseur minimale de 30 microns ;
- le respect des caractéristiques techniques des deux normes précitées ;
- une teneur recyclée garantissant une proportion minimale de matériaux recyclés.
L'exigence d'une épaisseur minimale, combinée à la double référence normative,
assure notamment la résistance des sacs à double usage ainsi exonérés et, plus
largement, que ces sacs rempliront les fonctionnalités attendues d'un sac de caisse et
d'un sac à déchets.
La teneur recyclée garantit que des matières premières issues du recyclage enteront
dans la composition de ces sacs, et ce de façon croissante dans le temps, favorisant
ainsi l'incorporation de matériaux recyclés et donnant un débouché au recyclage des
plastiques, ce qui contribue à accroître la qualité écologique des sacs à double usage
en question.
Ces modifications sont formalisées dans la proposition ci-jointe (projet de décret
modifié + note argumentaire), établie conjointement par les organisations
françaises représentatives des industriels et des commerçants concernés. Au final, outre qu'elle assure une cohérence entre le droit français et le droit européen,
notre proposition permettrait de concilier l'objectif de limitation propre à la loi
française pour les sacs plastiques à usage unique et les principes de l'économie
circulaire tels que promus par la France et par l'Union européenne visant à favoriser la
réutilisation et le recyclage, tout en conformant les restrictions de commercialisation
qui en résultent aux exigences du droit européen quant aux principes de
proportionnalité et de non discrimination.
C'est pourquoi nous espérons que la Commission européenne tiendra compte de nos
objections et des motifs qui les sous-tendent et invitera la France à modifier le projet
de décret dans le sens indiqué, à même de répondre aux problèmes mis en évidence,
afin d'éviter d'inutiles contentieux et dans l'intérêt du développement durable, des
acteurs économiques et des consommateurs. Nous restons bien sûr à votre disposition
pour toute précision complémentaire dont vous pourriez avoir besoin.
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l'expression de ma sincère considération.
Pièces jointes : proposition de modifications du décret, accompagnée d’une note
d’impact. Ces deux documents ont été conjointement établis par :
- l’A3FSP (Association Française des Fabricants de Films et Sacs Plastiques) ;
- le CdCF (Conseil du Commerce de France) ;
- la CGAD (Confédération Générale de l’Alimentation en Détail) ;
- la FCD (Fédération du Commerce et de la Distribution) ;
- la FPC (Fédération de la Plasturgie et des Composites) ;
- l’UNFD (Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs).