Traduction
C-299/17 - 1
Affaire C-299/17
Demande de décision préjudicielle
Date de dépôt :
23. mai 2017
Juridiction de renvoi :
Landgericht Berlin (Allemagne)
Date de la décision de renvoi :
8 mai 2017
Partie requérante :
VG Media Gesellschaft zur Verwertung der Urheber- und
Leistungsschutzrechte von Medienunternehmen mbH
Partie défenderesse :
Google Inc.
Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne)
Arrêt
[OMISSIS]
Dans le cadre du litige opposant
VG Media Gesellschaft zur Verwertung der Urheber- und Leistungsschutzrechte
von Medienunternehmen mbH, [OMISSIS]
[OMISSIS] Berlin,
partie demanderesse
[OMISSIS]
à
Google Inc.,
FR
DEMANDE DE DÉCISION PRÉJUDICIELLE DU 8. 5. 2017 – AFFAIRE C-299/17
[OMISSIS]
[OMISSIS] Mountain View CA [OMISSIS],
États–Unis,
partie défenderesse,
[OMISSIS]
la seizième chambre civile du Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin) a
décidé le 8 mai 2017 [OMISSIS] ce qui suit :
[Or. 2]
I.
Il est sursis à statuer.
II.
La Cour de justice de l’Union européenne est saisie à titre préjudiciel des
questions suivantes relatives à l’interprétation de l’article 1er, points 2, 5 et
11 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin
1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et
réglementations techniques (telle que modifiée par la directive 98/48/CE du
Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998) :
1.
Une disposition nationale qui interdit exclusivement aux exploitants
commerciaux de moteurs de recherche et aux prestataires commerciaux de
services qui éditent des contenus, mais non aux autres utilisateurs, y compris
commerciaux, de mettre à la disposition du public des produits de la presse,
en tout ou partie (à l’exception de mots isolés ou de très courts extraits de
texte), constitue–t–elle, au sens de l’article 1er, points 2 et 5, de la directive
98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant
une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations
techniques (telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement
européen et du Conseil du 20 juillet 1998), une règle qui ne vise pas
spécifiquement les services définis au même point,
et, dans la négative,
2.
une disposition nationale qui interdit exclusivement aux exploitants
commerciaux de moteurs de recherche et aux prestataires commerciaux de
services qui éditent des contenus, mais non aux autres utilisateurs, y compris
commerciaux, de mettre à la disposition du public des produits de la presse,
en tout ou partie (à l’exception de mots isolés ou de très courts extraits de
texte), constitue–t–elle une règle technique au sens de l’article 1er, point 11,
de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin
1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et
réglementations techniques (telle que modifiée par la directive 98/48/CE du
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VG MEDIA
Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998), à savoir une règle
obligatoire relative à la fourniture d’un service ?
Motifs
I.
[Or. 3] La partie demanderesse est une société exerçant à l’encontre d’exploitants
les droits de titulaires de droits voisins, prévus à l’article 87f de la Gesetz über
Urheberrecht und verwandte Schutzrechte (loi allemande relative au droit d’auteur
et aux droits voisins, ci–après l’« UrhG »), sur des offres éditoriales numériques.
Le 1er août 2013, les « droits voisins » concernant les éditeurs de presse, prévus
aux articles 87f à 87h de l’UrhG, sont entrés en vigueur en Allemagne. Le projet
de loi n’a pas été soumis à la procédure de notification visée à l’article 8,
paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du
22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes
et réglementations techniques (telle que modifiée par la directive 98/48/CE du
Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998).
Les dispositions nationales pertinentes énoncent ce qui suit :
Article 87f, paragraphe 1, de l’UrhG
(1) Le producteur d’un produit de la presse (éditeur de presse) détient le droit
exclusif de mettre à la disposition du public, en tout ou partie, le produit de la
presse à des fins commerciales, sauf s’il s’agit de mots isolés ou de très courts
extraits de texte. Si le produit de la presse a été produit dans le cadre d’une
entreprise, le propriétaire de l’entreprise est réputé en être le producteur.
Article 87g, paragraphe 4, de l’UrhG
(4) La mise à la disposition du public, en tout ou partie, de produits de la presse
est licite, pour autant que cette mise à disposition n’est pas effectuée par des
prestataires commerciaux de moteurs de recherche ou des prestataires
commerciaux de services qui éditent de manière analogue des contenus. Les
dispositions de la partie 1, section 6, s’appliquent, en outre, par analogie.
Dans ce contexte, la demanderesse conclut avec les titulaires de droits le « contrat
d’exercice “Télévision, Radiodiffusion, Éditeur” », par lequel les titulaires de
droits lui confèrent à titre exclusif leurs droits actuels, ainsi que les droits qui leur
seront octroyés au cours de la durée du contrat, sur des produits de la presse visés
à l’article 87f, paragraphe 2, de l’UrhG (presse numérique, et non, écrite), dont ils
sont les producteurs. Ce contrat porte, au choix, sur le droit de mettre à la
disposition du public des parties de produits de la presse par l’intermédiaire de
moteurs de recherche commerciaux (article 87f, paragraphe 1, et article 87g,
paragraphe 4, première phrase, première alternative, de l’UrhG) et/ou sur le droit
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DEMANDE DE DÉCISION PRÉJUDICIELLE DU 8. 5. 2017 – AFFAIRE C-299/17
de mettre à la disposition du public des parties de produits de la presse par
l’intermédiaire de services qui éditent de manière analogue des contenus
(article 87f, paragraphe 1, et article 87g, paragraphe 4, première phrase, seconde
alternative, de l’UrhG).
La défenderesse exploite, sous les domaine
s www.google.de e
t www.google.com,
le célèbre moteur de recherche destiné à trouver des sites Internet (Recherche
Google). Après la saisie du terme de recherche et l’activation de la fonction de
recherche apparaît notamment un court texte ou extrait de texte (Snippet) avec
[Or. 4] une image d’aperçu, destinée à permettre à l’utilisateur d’apprécier la
pertinence du site Internet indiqué au regard de son besoin spécifique
d’information. Il s’agit d’une combinaison de termes extraits du site Internet
indiqué, formée à partir de quelques mots en lien avec le terme de recherche.
Le moteur de recherche comporte, en outre, un menu à l’aide duquel l’utilisateur
peut consulter d’autres services spécialisés de recherche, tels que Google Images,
Google Videos et Google Actualités (« News » dans le menu).
En parallèle, la défenderesse exploite le service Google News, consultable
séparément en Allemagne sous news.google.de ou news.google.com, sur lequel
elle affiche, à la manière d’une revue, des nouvelles provenant d’un cercle limité
de sources d’information. Sur ces sites, le « Snippet » prend la forme d’un court
résumé du site Internet, reprenant fréquemment les phrases introductives.
La défenderesse communique par l’intermédiaire de ses services AdWord et
AdSense, contre paiement, les publicités de tiers sur ses propres sites Internet,
ainsi que sur les sites de tiers.
Par son recours, la demanderesse conteste le fait que la défenderesse a utilisé par
le passé, pour ses propres services, des extraits de texte (Snippets) et des images
provenant des offres des membres de la demanderesse, sans verser, en
contrepartie, de rémunération. Elle forme, par conséquent, un recours tendant à la
constatation d’un droit à indemnisation en raison de l’utilisation, depuis le 1er août
2013, d’extraits de textes, d’images et d’images animées, pour la publicité de
résultats de recherche et de sommaires d’actualités. Elle réclame, en outre, la
fourniture d’informations, ainsi que le versement de dommages et intérêts.
II.
La solution du litige dépend du point de savoir dans quelle mesure les articles 87f
à 87g de l’UrhG sont applicables, dans la mesure où le recours est, selon la
chambre de céans, à tout le moins, pour partie fondé. Selon la jurisprudence de la
Cour, les dispositions adoptées en violation de l’obligation de présentation
(notification) visée à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du
Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (telle
que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil du
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VG MEDIA
20 juillet 1998), ne peuvent être opposées aux particuliers. Elles sont inapplicables
(arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C-194/94, EU:C:1996:172,
point 54).
La question se pose donc de savoir si les dispositions nationales susmentionnées
constituent une règle technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la
directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998,
prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et
réglementations techniques (telle que modifiée par la directive 98/48/CE du
Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998). Conformément à
l’article 1er, point 11, de cette directive, la notion de
[Or. 5] « règle technique »
englobe également les règles relatives aux services. Une « règle relative aux
services » est définie à l’article 1er, point 5, de ladite directive comme « une
exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au
point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de
services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne
visent pas spécifiquement les services définis au même point ». L’article 1er,
point 2, de cette directive, auquel il est fait référence, définit le « service » comme
« tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté
normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la
demande individuelle d’un destinataire de services ».
La chambre de céans considère que la disposition nationale en cause remplit ces
critères.
L’article 87f de l’UrhG confère au producteur d’un produit de la presse le droit
exclusif de mettre le produit de la presse, en tout ou partie (à l’exception de mots
isolés ou de très courts extraits de texte), à la disposition du public. L’article 87,
paragraphe 4, de l’UrhG déclare licite la mise à la disposition du public, en tout ou
partie, de produits de la presse, lorsque cette mise à la disposition du public n’est
pas effectuée par des prestataires commerciaux de moteurs de recherche ou des
prestataires commerciaux de services qui éditent de manière analogue des
contenus. Par conséquent, une mise à la disposition du public, en tout ou partie, de
produits de la presse n’est illicite que lorsqu’elle est effectuée par un prestataire
commercial de moteur de recherche ou un prestataire commercial de services qui
édite de manière analogue des contenus, mais elle reste licite lorsqu’elle est
réalisée par d’autres utilisateurs, y compris d’autres utilisateurs commerciaux. La
loi ne consent au titulaire de droits voisins un droit d’interdiction qu’à l’encontre
de prestataires commerciaux de moteurs de recherche ou de prestataires de
services qui éditent de manière analogue des contenus, mais ce droit n’est pas
prévu dans le cadre de la mise à la disposition du public effectuée par d’autres
utilisateurs, y compris commerciaux.
Les prestataires de moteurs de recherche fournissent une prestation de service de
la société de l’information au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34/CE
du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (telle
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DEMANDE DE DÉCISION PRÉJUDICIELLE DU 8. 5. 2017 – AFFAIRE C-299/17
que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil du
20 juillet 1998). Ils fournissent cette prestation de service à distance, à savoir hors
la présence physique concomitante des cocontractants, par voie électronique et à
la demande individuelle d’un destinataire qui active la recherche après la saisie
d’un terme de recherche. Néanmoins, l’article 87g, paragraphe 4, de l’UrhG, lu
conjointement avec l’article 87f, paragraphe 1, de l’UrhG, ne constitue une « règle
relative aux services » visée à l’article 1er, point 5, de cette directive, que lorsqu’il
s’agit d’une règle relative à l’exercice des services mentionnés au point 2,
notamment une règle concernant le prestataire de services, les services et le
destinataire de services. Les règles qui ne visent pas
[Or. 6] spécifiquement les
services définis au même point sont explicitement exclues. La solution du litige
dépend donc du point de savoir si l’article 87g, paragraphe 4, de l’UrhG, lu
conjointement avec l’article 87f, paragraphe 1, de l’UrhG, constitue une exigence
de nature générale relative à l’exercice d’un service au sens de l’article 1er,
point 5. Dans la mesure où seuls les prestataires de moteurs de recherche et les
prestataires de services qui éditent de manière analogue des contenus sont visés
par la disposition nationale, la chambre de céans considère qu’il s’agit d’une règle
générale relative à la fourniture de services et non d’une disposition qui ne produit
des effets sur la fourniture de services que de manière indirecte. En effet, s’il
convenait d’interpréter la directive en ce sens que la qualification de la disposition
nationale en tant que règle générale relative aux services dépend du destinataire de
la disposition nationale, cela aurait pour conséquence que le projet de loi aurait dû
être notifié en vertu de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive et que la
disposition en cause ne peut être appliquée par la juridiction nationale, dans la
mesure où elle n’a pas été soumise à la procédure de notification.
[omissis]
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