Traduction
C-157/21 - 21
Observations sur la demande de procédure accélérée
Affaire C-157/21 *
Pièce déposée par :
République de Pologne
Nom usuel de l’affaire :
POLOGNE/PARLEMENT ET CONSEIL
Date de dépôt :
25 mai 2021
Varsovie, le 25 mai 2021
[OMISSIS]
AU PRÉSIDENT ET AUX MEMBRES
DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
OBSERVATIONS
DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE
sur la demande de procédure accélérée du Parlement européen
dans l’affaire C-157/21
République de Pologne/Parlement européen et Conseil de l’Union
européenne
Agent de la République de Pologne :
Bogusław Majczyna
Adresse de signification :
Kancelaria Prezesa Rady Ministrów (Chancellerie du président du
Conseil des ministres)
* Langue de procédure : le polonais.
FR
AFFAIRE C-157/21 –21
Al. Ujazdowskie 1/3
00-583 Varsovie – POLOGNE [Or. 2]
1
Le 19 mai 2021, la République de Pologne a reçu la demande de procédure
accélérée du Parlement européen dans l’affaire C-157/21, République de Pologne
contre Parlement européen et Conseil de l’Union européenne.
2
Pour les raisons exposées ci-après, la République de Pologne s’oppose à ce que
l’affaire C-157/21 fasse l’objet d’une procédure accélérée et demande qu’elle soit
traitée selon la procédure ordinaire.
3
Conformément à l’article 133 du règlement de procédure de la Cour, la procédure
accélérée est appliquée par dérogation à la procédure ordinaire, lorsque la nature
de l’affaire exige son traitement dans de brefs délais. Les conditions d’application
de la procédure accélérée doivent être interprétées de manière stricte, non
seulement parce qu’il s’agit d’une dérogation à la procédure ordinaire
(conformément au principe de l’interprétation stricte des exceptions à la règle),
mais aussi parce que l’application de cette procédure exceptionnelle dans le cadre
d’un recours implique une restriction des droits procéduraux des parties. Cette
restriction résulte notamment du fait que, en principe, un seul échange de
mémoires est autorisé dans le cadre de la procédure accélérée (un second échange
ne peut être autorisé que si le président l’estime nécessaire, le juge rapporteur et
l’avocat général entendus).
4
Dans sa demande, le Parlement n’a avancé aucun argument convaincant qui
permettrait de conclure que la nature de la présente affaire exige de déroger à la
procédure ordinaire et de traiter celle-ci dans de brefs délais, dans le cadre de la
procédure accélérée.
5
Premièrement, au point 10 de sa demande, le Parlement indique que le traitement
de la présente affaire selon la procédure accélérée se justifie pour des raisons de
sécurité juridique et de solidarité entre les États membres et les citoyens de
l’Union. Selon lui, il est donc légitime que les doutes concernant la légalité du
règlement contesté 1 soient levés avant que l’Union ne prenne des engagements
juridiques et ne contracte des dettes au titre du plan de relance NGEU, ou le plus
tôt possible après.
6
Deuxièmement, le Parlement fait valoir, au point 11 de sa demande, que la
présente affaire se prête à l’application d’une procédure accélérée, car elle repose
sur la question de savoir si le règlement contesté crée un véritable mécanisme de
conditionnalité
[Or. 3] budgétaire. Le Parlement estime qu’il ne s’agit pas d’une
question de droit particulièrement nouvelle ou complexe.
1
Règlement
(UE,
Euratom)
2020/2092
du
Parlement
européen
et
du
Conseil,
du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du
budget de l’Union (JO 2020, L 433I, p. 1).
2
POLOGNE / PARLEMENT ET CONSEIL
7
La République de Pologne est en profond désaccord avec les affirmations du
Parlement.
8
En ce qui concerne les raisons de sécurité juridique, les arguments du Parlement,
s’ils étaient acceptés, amènerait à conclure que la quasi-totalité des affaires ayant
pour objet la nullité d’un acte juridique devraient être traitées selon la procédure
accélérée. En effet, chaque acte du droit de l’Union emporte certaines
conséquences juridiques pour les destinataires des droits qu’il confère et des
obligations qu’il impose, et il est évidemment nécessaire que les doutes sur la
légalité des actes ne persistent pas trop longtemps. La Cour ne se borne cependant
pas au seul motif qu’il est de l’intérêt des destinataires d’un acte de voir les doutes
sur sa légalité levés le plus rapidement possible pour faire pas droit aux demandes
d’application de la procédure accélérée dans toute affaire engagée par la voie d’un
recours en annulation 2. Selon la République de Pologne, l’approche actuelle de la
Cour est correcte, puisque c’est la qualité de l’analyse effectuée qui compte avant
tout dans le cadre des recours en annulation, laquelle analyse exige que les parties
soient entendues et qu’un temps suffisant soit consacré à l’appréciation de tous les
arguments.
9
L’affaire C-157/21 constitue à l’évidence une affaire très complexe, qui exige
d’être traitée selon la procédure ordinaire. Le règlement contesté introduit un
mécanisme – inédit dans le droit de l’Union – de protection du budget de l’Union
en cas de violation du principe de l’État de droit dans les États membres. Ce
mécanisme suscite, selon la République de Pologne, un certain nombre de doutes
sérieux concernant non seulement, comme l’indique le Parlement au point 11 de
sa demande, l’introduction d’une « véritable conditionnalité », mais aussi
l’existence de la compétence de l’Union pour adopter un acte ayant le contenu
indiqué, la base juridique de son adoption, son rapport avec la procédure prévue à
l’article 7 TUE, le contrôle juridictionnel effectif des décisions prises sur la base
de cet acte et d’autres questions juridiques complexes.
[Or. 4]
10 La présente affaire suscite également un intérêt considérable de plusieurs États
membres, qui, voyant la nécessité de se prononcer sur les moyens formulés dans
le recours, se sont formées parties intervenantes.
11 La gravité des moyens soulevés par la République de Pologne et le caractère de
précédent de la présente affaire exigent son traitement selon la procédure
ordinaire. La possibilité d’un échange exhaustif d’arguments dans le cadre de la
phase écrite de la procédure est, à cet égard, absolument indispensable pour
permettre à la Cour de se familiariser avec toutes les questions essentielles qui
sont pertinentes pour apprécier correctement la légalité du règlement contesté.
2
Ordonnance du président de la Cour du 21 septembre 2004, Parlement/Commission (C-540/03,
non
publiée) ;
ordonnance
du
président
de
la
Cour
du
21 septembre
2004,
Parlement/Commission (C-318/04, non publiée, EU:C:2004:850) ; et ordonnance du président
de la Cour du 26 février 2010, Commission/Conseil, C-40/10, non publiée).
3
AFFAIRE C-157/21 –21
12 À l’appui de sa position, le Parlement fait valoir que l’emprunt et la mise à
disposition d’un montant aussi énorme de fonds que celui prévu dans le plan de
relance NGEU entraîne des risques pour le budget de l’Union. Cette situation
imposerait de renforcer le cadre juridique pour la protection du budget de l’Union.
13 La République de Pologne estime toutefois que les circonstances évoquées par le
Parlement ne justifient aucunement la demande de traitement de la présente affaire
dans le cadre d’une procédure accélérée. Le mécanisme prévu par le règlement
contesté n’est pas fondé sur un lien logique entre les prétendues violations de
l’État de droit et la nécessité de protéger le budget de l’Union. En outre, il
convient de noter que l’utilisation des fonds provenant du budget de l’Union est
de plus en plus correcte d’année en année. Les rapports annuels de la Cour des
comptes européenne sur l’exécution du budget de l’Union montrent que la gestion
financière de l’Union s’est considérablement améliorée. En effet, on remarque une
nette diminution du taux d’erreurs. Alors qu’en 2014, ce niveau était de 4,4 %, il
est passé, en 2015, à 3,8 % et, en 2016, il n’était plus que de 3,1 % 3. Le dernier
rapport annuel de la Cour des comptes européenne montre que le niveau d’erreurs
en 2017 était de 2,4 %, en 2018, de 2,6 % et, en 2019, de 2,7 %. En ce qui
concerne l’exercice 2019, il convient selon toute probabilité de retenir un niveau
d’erreur de 2,7 %,
[Or. 5] lequel oscille en réalité, selon les estimations de la Cour
des comptes européennes, dans une fourchette comprise entre 1,8 % et 3,6 % 4.
14 Par conséquent, la République de Pologne estime qu’il n’existe aucune raison
susceptible de justifier l’application de la procédure accélérée dans la présente
affaire et que la demande du Parlement doit être rejetée.
Bogusław Majczyna
Agent de la République de Pologne
3
Bureau d’analyse du Sejm (Diète) de la chancellerie du Sejm, avis concernant la proposition de
règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en
cas de défaillance généralisée de l’état de droit dans un État membre [COM(2018) 324 final] ;
www.sejm.gov.pl/sejm8.nsf/EDLS.xsp?view=S&syg=COM%282018%29+324&lang=EN
(dernière consultation : le 24 mai 2021), p. 8.
4
Rapport
annuel
d’activités
2020
de
la
Cour
des
comptes
européenne,
https://op.europa.eu/webpub/eca/annual-activity-report-2020/FR/
(dernière
consultation :
le
19 mai 2021).
4