Traduction
C-194/15 - 9
Observations du Portugal
Affaire C-194/15*
Pièce déposée par:
Le Portugal
Nom usuel de l’affaire:
BAUDINET E.A.
Date de dépôt:
30 juillet 2015
[omissis]
[Or. 2] [omissis]
I – Les faits
1
Dans le cadre d’un recours formé par la demanderesse au principal, qui a conduit
la juridiction nationale à procéder au présent renvoi préjudiciel, et qui porte sur
des avis d’imposition
[Or. 3] en matière d’impôt sur le revenu des personnes
physiques pour les années 2007 et 2008, la juridiction de renvoi souhaite savoir si
la demanderesse au principal peut, ou non, déduire de l’impôt dû en Italie, son
État de résidence, le montant intégral de la retenue à la source effectuée en France,
par la société «Paul Ricard S.A.», en ce qui concerne le paiement de dividendes à
la demanderesse au principal.
2
Les faits pertinents du litige au principal peuvent être résumés comme suit. En
2007 et 2008, la demanderesse au principal, résidente en Italie, détenait une
participation qualifiée détenue sous forme d’actions dans la société «Paul Ricard
S.A.», sise en France, laquelle a versé des dividendes à la demanderesse au
principal au cours de ces deux années.
3
Aux termes de la convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière
d’impôts conclue le 5 octobre 1989 entre la République italienne et la République
française (ci-après la «convention»), la société «Paul Ricard S.A.» a retenu à la
source, en France, une somme correspondant à 15 % de la valeur brute des
dividendes à percevoir par la demanderesse au principal.
* Langue de procédure: l’italien.
FR
AFFAIRE C-194/15 - 9
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Dans sa déclaration de revenus effectuée en Italie, la demanderesse au principal
demande que le montant intégral de la retenue à la source effectuée en France soit
déduit de l’impôt dû en Italie.
5
L’administration fiscale italienne considère qu’un crédit d’impôt d’origine
étrangère de ce montant est illégal, car il excède ce qui résulte de la lecture
combinée de la convention et de la législation nationale.
6
En résumé, le renvoi préjudiciel vise essentiellement à déterminer dans quelle
mesure la retenue conventionnelle appliquée par la société française sur les
dividendes distribués aux contribuables peut être déduite de l’impôt dont ils sont
redevables en Italie.
[Or. 4]
II – La question préjudicielle
7
Dans ces circonstances, en vue de trancher le recours formé contre la décision de
refus de la déduction, l’organe juridictionnel de renvoi juge pertinent que la Cour
se prononce, à titre préjudiciel, sur la question suivante:
Les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
s’opposent ils à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle,
lorsqu’un résident de cet État, actionnaire d’une société établie dans un autre
État membre, perçoit des dividendes imposés dans les deux États, la double
imposition n’est pas évitée, dans l’État de résidence, par l’attribution d’un crédit
d’impôt au moins égal au montant de l’impôt versé dans l’État où siège la société
qui distribue les dividendes?
III – Le cadre juridique
8
Eu égard à cette question préjudicielle, il convient de mentionner, d’une part, la
teneur de la convention et, d’autre part, celle de la législation italienne.
9
En vertu de l’article 10 de la convention:
«
1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d’un État à un
résident de l’autre État sont imposables dans cet autre État.
2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l’État dont la société qui
paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État, mais si la
personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi
établi ne peut excéder:
[…]
b) 15 p. cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas».
2
BAUDINET E.A.
10 Aux termes de cette convention et conformément au modèle de convention fiscale
concernant le revenu et la fortune élaboré par l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE)
[Or. 5] (ci-après le «modèle de convention
OCDE»), nous sommes en présence d’une situation de compétence fiscale
partagée entre l’État de la source et l’État de résidence.
11 Pour faire face aux situations de compétence fiscale partagée par deux États, à
savoir l’État de la source et l’État de résidence, et dans lesquelles l’imposition se
produit effectivement dans les deux États contractants, l’article 24 de la
convention prévoit que lorsque des éléments de revenus qui sont imposables en
France sont compris dans la base imposable des impôts sur le revenu en Italie,
l’Italie «
doit déduire des impôts ainsi établis l’impôt sur les revenus payé en
France […]». En toute hypothèse: «
[…] le montant de la déduction ne peut pas
dépasser la quote-part d’impôt italien imputable auxdits éléments de revenu dans
la proportion où ces éléments participent à la formation du revenu total».
12 Il ressort de l’ordonnance de renvoi que la loi italienne prévoit, aux termes de
l’article 3, paragraphe 1, du décret présidentiel n° 917 du 22 décembre 1986, tel
que modifié par le décret législatif n° 344 du 12 décembre 2003 (publié dans la
Gazzetta Ufficiale n° 302 du 31 décembre 1986, supplément ordinaire, ci-après le
«TUIR»), ce qui suit:
«
L’impôt s’applique au revenu global du contribuable, lequel est formé, en ce qui
concerne les résidents, par tous les revenus qu’il possède après déduction des
charges déductibles indiquées à l’article 10».
13 Cette règle doit, en l’espèce, être interprétée au regard de l’article 47, paragraphe
1, du TUIR, qui dispose:
«
Sans préjudice des cas mentionnés à l’article 3, paragraphe 3, sous a), quelle
que soit leur forme ou leur dénomination, les bénéfices distribués par les sociétés
ou par les organismes indiqués à l’article 73 […] font partie du revenu imposable
global, à hauteur de 40 % de leur montant».
[Or. 6]
14 En ce qui concerne les revenus provenant d’autres États, l’article 165 du TUIR
dispose:
«
Si des revenus produits à l’étranger concourent à la formation du revenu global,
les impôts définitivement versés à l’étranger sur ces revenus peuvent être déduits
de l’impôt net dû» et ceci
«à hauteur de la part d’impôt correspondant au rapport
entre les revenus produits à l’étranger et le revenu global […]». «
Si le revenu
produit à l’étranger concourt partiellement à la formation du revenu global,
l’impôt étranger également doit être réduit dans la même mesure».
15 Enfin, eu égard à la question préjudicielle, il convient d’avoir à l’esprit les
dispositions des articles 63 et 65 TFUE. Ainsi, l’article 63 TFUE dispose:
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«
1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux
mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les
pays tiers sont interdites.
2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux
paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont
interdites»
16 L’article 65 TFUE dispose:
«
1. L’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:
a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui
établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la
même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont
investis;
b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à
leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle
prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration
des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique
ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la
sécurité publique. [Or. 7]
2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d’appliquer des restrictions en
matière de droit d’établissement qui sont compatibles avec les traités.
3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer
ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre
circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63.
4. En l’absence de mesures en application de l’article 64, paragraphe 3, la
Commission, ou, en l’absence d’une décision de la Commission dans un délai de
trois mois à compter de la demande de l’État membre concerné, le Conseil peut
adopter une décision disposant que les mesures fiscales restrictives prises par un
État membre à l’égard d’un ou de plusieurs pays tiers sont réputées conformes
aux traités, pour autant qu’elles soient justifiées au regard de l’un des objectifs de
l’Union et compatibles avec le bon fonctionnement du marché intérieur. Le
Conseil statue à l’unanimité, sur demande d’un État membre.»
IV – Appréciation juridique: le caractère légitime de la législation litigieuse
17 À titre d’observation préliminaire, nous soulignons que la question de l’organe
juridictionnel national concerne uniquement la compatibilité entre les dispositions
légales italiennes en cause et les articles 63 et 65 TFUE (et non l’article 49
TFUE).
4
BAUDINET E.A.
18 En réalité, la nature de la participation de la demanderesse au principal dans la
société «Paul Ricard S.A.» au cours de la période en cause ne ressort pas de
manière claire de la décision de renvoi. Toutefois, il convient d’indiquer qu’en
vertu d’une jurisprudence constante, exerce son droit d’établissement, au sens de
l’article 49 TFUE, le ressortissant d’un État membre qui détient dans le capital
d’une société établie dans un autre État membre une participation lui conférant
une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d’
en
déterminer les activités.
19 Quoi qu’il en soit, en l’espèce, le gouvernement portugais considère que les
principes qui devront guider l’analyse sont identiques
[Or. 8] aux fins de
l’application des articles 49 et 63 TFUE. C’est pourquoi l’essentiel est de savoir –
pour répondre à la question préjudicielle – si l’État italien, en tant qu’État de
résidence de la demanderesse au principal, est, ou non, obligé d’éliminer la double
imposition juridique internationale en accordant une déduction «
au
moins» (suivant l’expression employée par la juridiction de renvoi dans sa
question préjudicielle) égale au montant de l’impôt effectivement versé dans l’État
de la source (en l’espèce la France) et donc, en substance, d’appliquer la méthode
de l’«imputation intégrale».
20 Il est notoire que la pratique internationale admet, en tant que méthode adéquate
d’élimination / d’atténuation des effets de la double imposition juridique
internationale, la méthode dite de l’«imputation normale» et ses adaptations – voir
article 23B, paragraphe 1, deuxième alinéa, du modèle de convention OCDE.
21 Par conséquent, la question qui se pose est celle de savoir si, en agissant
conformément à la législation nationale et à la convention, l’administration fiscale
italienne porte atteinte à la libre circulation des capitaux, telle qu’elle est définie
par les articles 63 et 65 TFUE.
22 Or, en matière d’élimination de la double imposition juridique internationale, la
jurisprudence de la Cour est claire. Lorsque deux États imposent le même revenu
(les dividendes) dans la personne du même contribuable, il s’agit d’une situation
caractéristique d’exercice parallèle des compétences fiscales de deux États
fiscalement compétents.
23 Il est clair que cela ne signifie pas, comme l’a d’ailleurs déjà indiqué la Cour,
qu’il puisse exister un traitement moins favorable de dividendes étrangers (par
exemple des dividendes versés par une société sise en France à une personne
physique résidente en Italie) par rapport à des dividendes nationaux (par exemple
[Or. 9] des dividendes versés par une société sise en Italie à une personne
physique résidente en Italie) au sein d’un même État.
24 Toutefois, telle n’est pas la situation sous-jacente à la présente affaire. Il ne
découle pas de la décision de renvoi que l’État italien imposerait de manière
défavorable les dividendes d’origine étrangère. En l’espèce, l’imposition plus
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AFFAIRE C-194/15 - 9
élevée ne résulte pas des règles nationales d’un État, mais de l’exercice parallèle
des compétences fiscales de deux États différents.
25 La juridiction de renvoi présente l’exemple chiffré suivant:
–
«si une société française distribuait un dividende de 100 000 euros, une
retenue conventionnelle de 15 % serait applicable à son montant brut, pour
un total de 15 000 euros;
–
le dividende net perçu par le titulaire des participations serait donc égal à
85 000 euros;
–
la base imposable du dividende en Italie, correspondant à 40 % du montant
brut, serait égale à 40 000 euros;
–
dans l’hypothèse d’un taux moyen de 30 %, l’IRPEF dû à l’État italien sur
une base imposable de 40 000 euros serait de 12 000 euros;
–
sur les 15 000 euros déjà versés en France au titre de la retenue à la source,
les contribuables n’auraient le droit de déduire de l’impôt que 40 % de la
retenue française, à savoir 6 000 euros et ils devraient, par contre, verser
aux fins de l’IRPEF les 6 000 euros restants d’impôt net applicable;
–
dès lors, sur le dividende brut de 100 000 euros, ils subiraient un impôt total
de 21 000 euros, dont 9 000 euros dus au fait que 60% de la retenue
étrangère n’ont pas été déduits.»
26 La juridiction de renvoi estime que ce résultat entre en conflit avec le traitement
dont font l’objet des dividendes d’origine nationale, qui ne seraient pris en compte
qu’à hauteur de 40 % de leur montant pour le calcul de la base imposable et qui,
dans le cas de dividendes s’élevant à 100 000 EUR, sur le fondement d’un impôt
moyen de 30 %1, donneraient lieu à un impôt global de 12 000 EUR.
[Or. 10]
27 De fait, il existe une différence d’imposition globale entre des dividendes versés
par une société sise en Italie et des dividendes versés par une société établie en
France.
28 Toutefois, cette différence ne résulte de l’imposition effectuée par l’État de
résidence qui, si l’on reprend l’exemple exposé par la juridiction de renvoi,
n’impose qu’à hauteur de 6 000 EUR les dividendes reçus d’une société sise en
France, alors que cette somme est de 12 000 EUR dans le cas de dividendes versés
par une société établie en Italie.
1 La décision de renvoi ne précise pas s’il existe une quelconque autre différence de
traitement entre les dividendes d’origine étrangère et les dividendes versés par des sociétés
sises en Italie.
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BAUDINET E.A.
29 Cette différence au niveau du montant global de l’imposition ne découle donc pas
d’une imposition plus élevée, par l’État de résidence de la demanderesse au
principal, des dividendes versés par des sociétés établies à l’étranger, mais de
l’exercice concurrent d’une compétence fiscale par un autre État – qui a également
un droit légitime à l’imposition.
30 En effet, les régimes d’imposition directe continuent de relever de la compétence
nationale de chaque État membre et il est par conséquent nécessaire de répartir la
compétence fiscale en matière d’imposition d’un revenu présentant une connexion
effective avec plus d’un État.
31 Comme c’est le cas pour les autres disparités, cette nécessité de répartition de la
compétence fiscale doit être distinguée des restrictions prohibées par le droit de
l’Union, car elle ne résulte pas seulement d’un régime, mais de la coexistence de
deux régimes fiscaux distincts – aucun des deux régimes fiscaux n’étant donc, en
soi, responsable du désavantage fiscal. Il convient de souligner que ces disparités
continueraient d’exister même si les systèmes fiscaux nationaux prévoyaient des
règles absolument identiques.
[Or. 11]
32 En droit fiscal international, la règle généralement acceptée, dans la mesure où
l’on souhaite éviter la double imposition juridique, est qu’il appartient à l’État
membre de résidence de décider s’il souhaite ou non l’éviter et de quelle manière.
Par exemple, un État peut décider d’éviter la double imposition juridique
unilatéralement ou au moyen d’une convention prévenant la double imposition, en
utilisant une méthode d’exemption ou de crédit d’impôt pour les impôts payés à
l’étranger.
33 Aux termes du droit de l’Union, le pouvoir de choisir entre ces critères et, à
travers ceux-ci, d’attribuer la compétence fiscale, revient uniquement aux États
membres.
34 Actuellement, il n’existe pas de critères alternatifs en droit de l’Union et aucune
base juridique n’est prévue pour la fixation de ces critères.
35 Aux points 20, 22 et 23 de son arrêt Kerckhaert et Morres (C‑513/04,
EU:C:2006:713), la Cour a jugé ce qui suit:
«
20. Dans des circonstances telles que celles de l’espèce, les conséquences
défavorables que pourrait entraîner l’application d’un système d’imposition des
revenus tel que le régime belge en cause au principal découlent de l’exercice
parallèle par deux États membres de leur compétence fiscale.
[…]
22. Or, le droit communautaire, dans son état actuel et dans une situation telle
que celle au principal, ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des
compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination de la double
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imposition à l’intérieur de la Communauté. En effet, abstraction faite de la
directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal
commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO
L 225, p. 6), de la convention du 23 juillet 1990 relative à l’élimination des
doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées
(JO L 225, p. 10) et de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en
matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts
(JO L 157, p. 38), aucune mesure d’unification ou d’harmonisation visant à
éliminer les situations de double imposition, n’a été adoptée, à ce jour, [Or. 12]
dans le cadre du droit communautaire.
23. Par conséquent, il appartient aux États membres de prendre les mesures
nécessaires pour prévenir les situations telles que celle en cause au principal, en
utilisant, notamment, les critères de répartition suivis dans la pratique fiscale
internationale. C’est en substance la finalité de la convention franco-belge qui
procède à une répartition de la compétence fiscale entre la République française
et la Royaume de Belgique dans ces situations. […]»
36 Appelée à statuer une fois de plus dans cette même matière, la Cour a rappelé ce
qu’elle avait déjà jugé. À cet égard, nous renvoyons à l’arrêt Damseaux
(C‑128/08, EU:C:2009:471), dont nous reproduisons les points les plus pertinents
aux fins de l’espèce:
«
26. [L]es dividendes distribués par une société établie dans un État membre à un
actionnaire résidant dans un autre État membre sont susceptibles de faire l’objet
d’une double imposition juridique lorsque les deux États membres choisissent
d’exercer leur compétence fiscale et de soumettre lesdits dividendes à l’imposition
dans le chef de l’actionnaire.
27. D’autre part, la Cour a déjà jugé que les désavantages pouvant découler de
l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents États membres, pour
autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des
restrictions interdites par le traité CE (voir, en ce sens, arrêts précités Kerckhaert
et Morres, points 19, 20 et 24, ainsi que Orange European Smallcap Fund, points
41, 42 et 47). […]
32. Dans une situation où tant l’État membre de la source des dividendes que
l’État membre de résidence de l’actionnaire sont susceptibles d’imposer lesdits
dividendes, considérer qu’il appartient nécessairement à l’État membre de
résidence de prévenir ladite double imposition reviendrait à conférer une priorité
dans l’imposition de ce type de revenus à l’État membre de la source.
33. Même si une telle répartition des compétences était conforme, notamment, à la
pratique juridique internationale telle qu’elle se reflète dans le modèle de
convention fiscale concernant le revenu et la fortune élaboré par l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment à son
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BAUDINET E.A.
article 23 B, il est constant que le droit communautaire, dans son état actuel et
dans une situation telle que celle en cause au principal, ne prescrit pas de critères
généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant
de l’élimination des doubles impositions à [Or. 13] l’intérieur de la Communauté
(voir arrêts précités Kerckhaert et Morres, point 22, ainsi que Columbus
Container Services, point 45).
34. Par conséquent, si un État membre ne saurait exciper d’une convention
bilatérale aux fins d’échapper aux obligations qui lui incombent en vertu du traité
(voir arrêts du 14 décembre 2006, Denkavit Internationaal et Denkavit France,
C‑
170/05, Rec. p. I‑
11949, point 53, ainsi que Amurta, précité, point 55), la
circonstance que tant l’État membre de la source des dividendes que l’État
membre de résidence de l’actionnaire sont susceptibles d’imposer lesdits
dividendes n’implique pas que l’État membre de résidence soit tenu, en vertu du
droit communautaire, de prévenir les désavantages qui pourraient découler de
l’exercice de la compétence ainsi répartie par les deux États membres.»
37 Ainsi, eu égard à la jurisprudence constante de la Cour qui vient d’être exposée, la
conclusion en l’espèce ne saurait être différente: c’est-à-dire que la législation
italienne, qui met en œuvre les dispositions de la convention en matière
d’atténuation / d’élimination de la double imposition juridique internationale, ne
porte pas atteinte au principe de la libre circulation des capitaux, la situation au
principal constituant le résultat de la disparité découlant de l’application
concurrente de différents systèmes fiscaux (le système italien et le système
français) et de l’absence d’harmonisation en la matière dans l’Union.
V – Conclusion
38 Eu égard à ce qui précède et pour les motifs exposés, le gouvernement portugais
propose à la Cour de répondre à la question de la Commissione Tributaria
Provinciale di Torino (Italie) comme suit:
Les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent
pas à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en
vertu de laquelle les dividendes versés par une société ayant son siège dans un
autre État membre à un actionnaire résidant dans l’État membre en cause peuvent
être [Or. 14] imposés dans ce dernier, et qui limite le crédit relatif à l’impôt versé
à l’étranger au montant de l’impôt dû dans cet État membre pour la fraction de
ces dividendes entrant dans le revenu total imposable.
(sé)
Les agents de la République portugaise
Luís Inez Fernandes – Margarida Rebelo – João Martins da Silva
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