Ref. Ares(2022)166004 - 11/01/2022
DG GROW
Conférence Plateforme Automobile (PFA)
Table ronde sur les enjeux règlementaires européens
Discours du Commissaire Thierry Breton
Mardi 26 octobre 2021, 09h50 à 11h00
Name of Cabinet Member:
Name of the Director who has cleared the material:
BASIS request ID:
none Room, time: [Fill in]
Name of main contact person:
Telephone number:
Directorate/Unit:
SPEECH (Commission internal)
Scene setter/Context of the event: Vous allez faire un discours introductif à une discussion-table ronde
sur les enjeux réglementaires européens et la façon de concilier les
ambitions climatiques européennes avec les enjeux de souveraineté
technologique, d’industrie et d’emplois qui se posent à la filière
automobile.
Votre intervention sera précédée de quelques diapositives sur les
échéances et les normes d’émission révisées de CO2 pour 2025, 2030
et 2035 (Paquet Climat « Fit for 55 » de juillet 2021), sur la future
proposition Euro 7 ainsi que sur les implications en termes de mix
énergétique (présentation par
de la Plateforme automobile, voir agenda).
Speaking points
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais commencer par remercier la Plateforme
Automobile et tout particulièrement
,
de m’avoir convié à la Journée de la filière automobile.
1
Je tiens également à saluer la présence de la
. Ces derniers mois nous ont
montré combien le couple franco-allemand demeurait
l’élément-moteur de l’industrie européenne et le ciment de
notre solidarité et votre présence ici en témoigne.
Ce sont en effet l’Allemagne et la France qui ont porté le plan
de relance européen après le début de la pandémie : ce plan
représente un soutien inédit, sans commune mesure, pour
permettre à l’Europe de relever la tête et entamer, de plain-
pied, son chemin de résilience vers la neutralité climatique.
L’Allemagne et la France sont aussi les deux premières
puissances automobiles au sein de l’Union européenne. Il est
donc tout à fait naturel et pertinent de sonder, au prisme des
enjeux franco-allemands, l’avenir de la filière automobile
européenne et donc de l’industrie européenne dans son
ensemble.
Car la filière automobile, avec ses constructeurs, ses
équipementiers et sa constellation de PME et d’ETI – tous ces
acteurs que vous représentez - occupe une place
prépondérante dans notre économie.
[La filière automobile au cœur des enjeux de transition]
L’automobile fait partie intégrante de notre quotidien, elle a
révolutionné la vie de nos concitoyens et redessiné
l’organisation de nos territoires. Mais elle est aussi bien plus
que cela, elle est un des ressorts de la compétitivité de notre
industrie et la vitrine de l’excellence européenne en matière de
recherche et développement, d’innovation et de design.
2
Je dirais pour ma part qu’elle fait office aujourd’hui de mètre-
étalon, au cœur de notre industrie européenne, donnant la
mesure des grands défis qui nous attendent sur le chemin de la
neutralité climatique.
Disons-le d’emblée, le voyage sera difficile. Je sais et je
comprends vos inquiétudes devant les actions à mener, tant au
niveau européen qu’au niveau national, pour réussir notre
double transition écologique et numérique.
Je comprends d’autant plus vos inquiétudes que j’ai été moi-
même chef d’entreprise, ministre de l’économie et aujourd’hui
défenseur de l’industrie européenne. Je sais que nos emplois,
notre savoir-faire et notre vitalité économique sont en
première ligne.
Avec en toile de fond ce continuum de crises qui s’ajoutent.
Cela a commencé avec la pandémie, s’est approfondie avec la
pénurie mondiale de semi-conducteurs et se poursuit avec la
crise énergétique que nous traversons actuellement.
Devant tant d’adversité, je sais aussi que la filière automobile
peut être la figure de proue de notre mue, parce qu’elle fait
partie de notre ADN industriel.
Il suffit pour s’en rendre compte de voir la part de marché
grandissante
des
véhicules
électriques
dans
l’Union
européenne : elle a atteint 17% , soit un demi-million de
véhicules électriques rechargeables neufs immatriculés dans le
dernier trimestre 2020. Sur le cours d’une année, la flotte a
doublé. Du jamais vu.
3
C’est dire si la dé-carbonisation du secteur automobile, et plus
largement des transports, est l’affaire de tous.
Vous le savez, dans son Pacte vert européen - la nouvelle
stratégie de croissance de l’Union européenne - la Commission
s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité climatique à
l’horizon 2050. Plus qu’un objectif, je dirais qu’il s’agit d’un
devoir, d’une obligation confortée du reste par la première loi
européenne sur le climat, adoptée cette année.
Il nous appartient donc, collectivement, de trouver les moyens
de rendre l’industrie, au premier rang de laquelle l’industrie
automobile, à la fois compétitive et responsable, leader dans
l’innovation et dans l’exemplarité.
Et la Commission travaille à vos côtés pour trouver des
solutions et avancer.
[Un corpus européen pour appuyer nos ambitions
industrielles]
Comme évoqué il y a un instant, l’Union européenne s’est
mobilisée, dès le début de la pandémie, pour soutenir le tissu
industriel et l’ensemble des PME, afin de compenser l’arrêt
forcé de l’économie.
Nous nous sommes unis pour proposer un plan de relance,
pour nous endetter ensemble sur les marchés financiers. Là
aussi, du jamais vu.
Plan de relance qui prévoit d’ailleurs au niveau de la France, et
je m’en félicite, de flécher plus d’un milliard d’euros vers le
secteur automobile.
4
Et parce que la Commission n’a jamais perdu de vue le Pacte
vert européen, nous avons travaillé à la mise en place d’un
cadre règlementaire complet, adapté, sur lequel nous puissions
adosser nos ambitions.
Avec ce cadre règlementaire, le fameux paquet climat ou « Fit
for 55 » adopté en juillet dernier, nous proposons d’ajuster les
grandes composantes de la législation énergétique et
climatique européenne à notre objectif, d’ici 2030, de
réduction des émissions nettes d’au moins 55% par rapport au
niveau de 1990.
La filière automobile est concernée au premier chef, qu’il
s’agisse par exemple du renforcement des normes de
performance des voitures et véhicules utilitaires légers en
matière d’émissions de CO₂ ou des nouvelles infrastructures
pour les carburants alternatifs.
En parallèle – vous le savez, c’est à l’ordre du jour - la
Commission travaille sur la future norme Euro 7, qui fixera les
limites maximales d’émissions de polluants pour les véhicules
neufs. Une proposition législative est prévue pour début 2022.
Cette nouvelle norme, cohérente avec le Pacte vert européen,
est par ailleurs nécessaire : en effet, aujourd’hui la plupart des
nouveaux modèles de véhicules mis sur le marché émettent
bien moins que les limites fixées par la règlementation Euro 6,
qui ont été fixées il y a plus de dix ans.
Je vous le dis, la proposition de la Commission sur Euro 7 sera
aussi ambitieuse en terme de réduction d’émissions que
réaliste en terme de faisabilité économique.
5
Et j’ai confiance : les technologies auxquelles nous devrons
avoir recours, notamment pour améliorer la performance des
véhicules, sont disponibles.
Alors bien sûr j’entends vos inquiétudes, vos interrogations :
« la filière, déjà meurtrie par la crise, ne pourra pas suivre » ;
« pourquoi consentir à tant d’efforts transitoires alors que les
véhicules thermiques vont de toute façon disparaître à
l’horizon 2035 ».
Le « timing » en matière industrielle est toujours matière à
débat. Dans le cas de la filière des semi-conducteurs – qui
d’ailleurs vous concerne aussi au premier chef – nos
partenaires dans l’industrie me posent la question inverse :
« Pourquoi vouloir dès à présent grandir sur les semi-
conducteurs du futur – c’est-à-dire en dessous des 5
nanomètres – alors que nous n’en sommes encore nulle part
sur les 20 nanomètres ».
A ces deux questions, j’apporte la même réponse, une réponse
simple : cette double transition écologique et numérique dont
nous parlons constamment, elle se joue dès aujourd’hui ; elle
se fait à petits pas comme à grands pas, dans les objectifs
intermédiaires comme dans les objectifs finaux. Le climat
n’attend pas, nos concurrents non plus d’ailleurs.
Car ne l’oublions pas : ce chemin qu’est la double transition,
c’est aussi notre chemin de résilience. Autrement dit, de notre
autonomie stratégique, de notre souveraineté technologique.
6
[La souveraineté technologique, mère des batailles]
Si nous ne sommes pas pionniers en matière de
développement durable, si nous ne nous imposons pas sur les
marchés du futur, d’autres le feront à notre place, avec leurs
normes, leurs valeurs, leurs produits.
Si nous ne maîtrisons pas les technologies de rupture ni les
chaînes d’approvisionnement correspondantes, nous ne
pourrons pas atteindre nos ambitions environnementales et
numériques. Nous n’aurons plus la capacité de choisir.
Cette nécessité de prendre notre destin industriel en main est
au cœur de la stratégie industrielle européenne portée par la
Commission.
Nous avons passé au crible tous nos écosystèmes industriels,
identifié nos dépendances et tout particulièrement celles qui
nous mettent en position de vulnérabilité.
Je pense par exemple aux terres rares, ces matières premières
critiques essentielles aux énergies renouvelables, à la défense,
à l’aérospatial ou aux semi-conducteurs, mais dont la
production mondiale repose à 90% dans les mains de la Chine.
Je parlais à l’instant de la crise des semi-conducteurs, qui nous
paralyse, qui vous paralyse. Là aussi, l’Europe – comme les
États-Unis d’ailleurs – n’assure que 10% de la production
mondiale. 80% de la production est faite en Asie, et en
particulier à Taiwan.
7
Et c’est là tout le paradoxe, un paradoxe insoutenable :
l’Europe est au cœur de la recherche mondiale dans le domaine
des semi-conducteurs – je pense notamment au LETI à
Grenoble – mais industriellement parlant, nous demeurons en
marge.
C’est pourtant ce même paradoxe que nous avons su
transcender dans le domaine des vaccins. En un temps record,
nous avons su rassembler nos forces et transformer notre
excellence scientifique en leadership industriel.
Aujourd’hui, nous sommes le premier exportateur de vaccins
au monde. Nous venons de franchir la barre des 1 milliard de
doses exportées.
Ce que nous avons accompli dans le domaine des vaccins, nous
pouvons l’accomplir dans les autres écosystèmes industriels si
nous en avons la volonté collective.
C’est tout l’objet, d’ailleurs, du
Chips Act européen, récemment
annoncé par la Présidente von der Leyen, qui positionnera
l’Europe pour les 10 prochaines années comme leader en
microprocesseurs, capable de produire 20% de la production
mondiale.
La filière automobile est bien entendu au cœur de ces
problématiques.
Des actions coordonnées et ciblées sont nécessaires, à l’échelle
européenne pour garantir notre souveraineté technologique et
notre compétitivité industrielle. Différents leviers sont
mobilisés par la Commission.
8
Je pense en particulier aux alliances industrielles – pour les
batteries, pour l’hydrogène propre, et plus récemment pour les
microprocesseurs, l’edge computing et les données – ainsi
qu’aux Projets Importants d'Intérêt Européen Commun (PIIEC).
Ce dispositif permet aux États-membres qui le souhaitent d’unir
leurs efforts d’investissement et de les catalyser dans des
projets de rupture pour les déployer industriellement.
La France et l’Allemagne ont été particulièrement impliquées
dans les deux Projets Importants d'Intérêt Européen Commun
dédiés à la batterie, et plus récemment à l’hydrogène.
Au-delà de l’innovation, la souveraineté implique également un
effort ciblé et concret sur les infrastructures de réseaux, à la
fois pour l’électrification et la digitalisation.
Pour les véhicules électriques, avec Next Generation EU et la
révision du règlement sur les infrastructures pour carburants
alternatifs en juillet dernier – je l’évoquais tout à l’heure - notre
objectif est d’offrir, dès 2025, une station de recharge tous les
60 kilomètres sur les grands axes routiers de l’UE, mais aussi un
million de points de recharge en 2025, 3.5 millions en 2030 et
plus de 16 millions à horizon 2050.
Vous le voyez, nous balisons le chemin pour maintenir le cap. Et
nous devons aller plus loin encore, nous devons intensifier
notre travail collectif.
Je vous annonce que dans le courant du mois de novembre, la
Commission lancera un processus sur les voies de transition
pour l’écosystème mobilité.
9
Il s’agit de créer et d’identifier, conjointement avec l’industrie,
les États-membres et tous les acteurs-clé du secteur, au niveau
local et régional, les voies de transition, les moyens et les
actions à mettre en place pour réussir la double transition verte
et digitale et renforcer ainsi la résilience de notre écosystème.
[Conclusion]
Vous l’aurez compris, et j’en finirai par là, la filière automobile
est le miroir grossissant des défis industriels qui attendent
l’Europe.
Oui, la transition a un prix. Pour la France uniquement, je sais
que vous pronostiquez jusqu’à 150 000 postes menacés par le
Plan Climat.
Mais je sais aussi que la batterie, le recyclage ou encore le
numérique devrait permettre de créer près de 25 000 postes.
Ceci pour vous dire que nous devons croire en notre résilience,
en notre capacité à tirer parti des potentiels de reconversion et
de nouveaux emplois à forte valeur ajoutée.
Pour ma part, je puis vous dire que la Commission continuera
d’accompagner tous les talents qui font l’excellence de votre
filière.
10
Avec le « Pacte pour les Compétences », avec l’Alliance pour les
Compétences dans l’Automobile et, plus récemment,
l’Académie de l’Alliance Européenne des Batteries, nous
pourrons former, d’ici 2025, 150 000 salariés en France et 800
000 en Europe aux métiers de demain.
La filière automobile ne sera pas sacrifiée sur l’autel du climat.
Elle sera moteur de l’avant-garde.
Je vous remercie.
[1920 mots]
11