Traduction
C-194/15 - 17
Observations du Royaume-Uni
Affaire C-194/15*
Pièce déposée par:
ROYAUME-UNI
Nom usuel de l’affaire:
BAUDINET E.A.
Date de dépôt:
20 août 2015 (original)
À LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
AFFAIRE C-194/15
VÉRONIQUE BAUDINET
OBSERVATIONS ÉCRITES DU ROYAUME-UNI
Le Royaume-Uni est représenté par Mme Sarah Simmons du European Law Group,
service juridique du gouvernement, agissant en qualité d’agent, et par
M. Obwain Thomas, barrister.
[omissis]
21 août 2015
[Or. 2]
INTRODUCTION
1
Par ordonnance du 28 avril 2015, la Commissione Tributaria Provinciale di Torino
a posé la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de
l’Union européenne (ci-après la «Cour»):
«
Les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
s’opposent- ils à la réglementation d’un État membre en vertu de laquelle,
lorsqu’un résident de cet État, actionnaire d’une société établie dans un
autre État membre, perçoit des dividendes imposés dans les deux États, la
* Langue de procédure: l’italien.
FR
AFFAIRE C-194/15 - 17
double imposition n’est pas évitée, dans l’État de résidence, par l’attribution
d’un crédit d’impôt au moins égal au montant de l’impôt versé dans l’État
où siège la société qui distribue les dividendes?»
2
Le Royaume-Uni présente les observations suivantes, conformément à l’article 23
du protocole sur le statut de la Cour.
EN FAIT
3
La question se pose dans le cadre d’une procédure ouverte par une résidente
italienne (ci-après la «requérante») et d’autres contribuables se trouvant dans une
situation similaire. La requérante a perçu des dividendes sur des actions qu’elle
détient dans une société établie en France (Paul Ricard SA). Ces revenus ont fait
l’objet d’une retenue à la source par la société [française], puis ont été
partiellement imposés en Italie en tant qu’impôt sur le revenu.
4
L’imposition des dividendes en Italie est régie par la version consolidée du
code des impôts italien (ci-après le «code des impôts italien») et par la convention
en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts conclue le
5 octobre 1989 entre l’Italie et la France (ci-après la «CDI»). Les dispositions
pertinentes du code des impôts italien et de la CDI sont exposées dans
l’ordonnance de renvoi préjudiciel.
5
Conformément à la CDI, de tels dividendes sont imposés en France au taux
maximal de 15 %. De même, la CDI prévoit que les dividendes payés dans un
État membre à des personnes résidant dans un autre État membre peuvent être
imposés dans cet autre État membre.
6
Selon le code des impôts italien, notamment son article 47, les résidents italiens
sont assujettis à l’impôt sur le revenu à hauteur de 40 % des revenus issus de
dividendes liés à des participations dans des sociétés italiennes ou établies à
l’étranger. Cela est conforme à la CDI et assure un traitement identique des
sociétés italiennes et des sociétés établies à l’étranger.
[Or. 3]
7
L’article 24 de la CDI prévoit que, afin d’éviter la double imposition, l’impôt
devant être payé sur les dividendes en France peut être déduit de l’impôt sur le
revenu italien dès lors que la déduction n’excède pas l’impôt italien
imputable à
ce revenu. Cela est établi à l’article 165 du code des impôts italien. La requérante
a demandé la déduction du montant total de l’impôt étranger acquitté, y compris la
partie imputable à la part de dividendes qui n’est pas imposée en vertu de la
loi italienne. Selon l’article 11, paragraphe 4, du code des impôts italien, lorsque
les crédits d’impôts accordés à un contribuable en application de l’article 165
excèdent l’impôt net qu’il doit, le contribuable peut choisir soit de déduire
l’excédent de l’impôt dû pour l’exercice fiscal suivant, soit de se faire rembourser
la différence par l’État italien.
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BAUDINET E.A.
8
La requérante fait valoir que, dès lors que les résidents italiens recevant des
dividendes de sociétés italiennes payent uniquement l’impôt sur le revenu sur ces
dividendes, alors que les contribuables se trouvant dans sa position payent à la fois
l’impôt à la source français et l’impôt sur le revenu italien, la loi italienne porte
atteinte à son droit à la libre circulation des capitaux en vertu de l’article 63
du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «TFUE»).
9
Il convient toutefois de noter en l’espèce que, dans la mesure où le revenu a été
soumis à la double imposition juridique, cette double imposition a été entièrement
neutralisée par l’application de la législation italienne accordant un crédit au titre
de l’impôt français payé à hauteur de 40 % des dividendes imposés en Italie. La
requérante fait donc grief des conséquences directes du fait que, en vertu de la
CDI, les dividendes sont imposables à la fois en France et en Italie, et que chaque
État contractant a déterminé son assiette fiscale et ses taux d’imposition
différemment.
10 La proportion des dividendes bruts imposés et le taux d’imposition leur étant
appliqué en vertu des règles italiennes en matière d’imposition des revenus issus
de dividendes s’appliquent de la même manière aux dividendes de sociétés
nationales ou établies à l’étranger, la différence de traitement alléguée découlant
uniquement de l’application de la retenue à la source française.
PRINCIPES APPLICABLES
11 La Cour a établi, dans une jurisprudence constante, les principes applicables au
rapport entre, d’une part, la législation des États membres et les conventions
bilatérales en matière de fiscalité directe et, d’autre part, les libertés
fondamentales du droit de l’Union.
[Or. 4]
La compétence de la Cour
12 À titre liminaire, il convient de noter que la Cour a jugé qu’elle n’est pas
compétente pour interpréter les conventions fiscales bilatérales conclues par les
États membres ou le rapport entre ces conventions et le droit national
[arrêts Columbus Container Services (C‑298/05, EU:C:2007:754, points 46 et 47),
et Damseaux (C-128/08, EU:C:2009:471, points 20 et 21)].
Les États membres conservent leur souveraineté en matière de répartition de
la compétence d’imposition
13 Conformément au système de l’Union européenne en matière de délégation de
pouvoirs, la fiscalité directe continue à relever de la compétence des
États membres, bien que cette compétence doive être exercée dans le respect du
droit de l’Union [arrêts Marks & Spencer (C-446/03, EU:C:2005:763, point 29);
Kerckhaert et Morres (C-513/04, EU:C:2006:713, point 15), et Damseaux
(C-128/08, EU:C:2009:471, point 24)].
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14 En l’absence de mesures d’harmonisation de l’Union, dans les situations dans
lesquelles une opération transfrontalière engage la compétence fiscale de deux
États membres, il incombe à ces dernier de définir, par voie conventionnelle ou
unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue,
notamment, d’éviter les doubles impositions [arrêts Kerckhaert et Morres
(C-513/04, EU:C:2006:713, points 23 et 24), et Damseaux (C-128/08,
EU:C:2009:471, point 30)].
15 Ce faisant, les États membres peuvent choisir les critères applicables aux fins de la
répartition de leur pouvoir de taxation, y compris des critères fondés sur la
nationalité, la résidence, le statut de travailleur frontalier ou l’occupation dans le
secteur privé ou dans le secteur public [arrêts Gilly (C-336/96, EU:C:1998:221,
points 29 et 30), et Imfeld et Garcet (C-303/12, EU:C:2013:822, point 41)]. Le
choix de tels critères de rattachement ne constitue pas une discrimination contraire
aux libertés fondamentales du TFUE (arrêt Gilly, C-336/96, EU:C:1998:221,
points 30 et 53).
16 Des États membres peuvent convenir entre eux qu’un contribuable est soumis à
l’imposition dans les deux États membres (arrêt Damseaux, C-128/08,
EU:C:2009:471, points 34 et 35). Un État membre n’est pas tenu de prévenir les
désavantages découlant de l’exercice parallèle de tels compétences d’imposition
(ibidem, point 34). Dans la mesure où un contribuable se trouve dans une situation
moins favorable du fait de la répartition de la compétence d’imposition entre
États membres, cette situation est la conséquence des disparités entre les barèmes
d’imposition dans les États membres, dont la fixation, en l’absence de
réglementation communautaire en la matière,
[Or. 5] relève de la compétence des
États membres (arrêt Gilly, C-336/96, EU:C:1998:221, point 47).
17 La Cour a jugé, précisément dans le contexte de dividendes payés par des sociétés
établies dans un État membre à des personnes résidant dans un autre État membre,
que, lorsque l’État membre de résidence n’exerce pas sa compétence d’imposition
sur des paiements, il n’y a alors pas d’obligation, pour cet État membre, de
compenser un désavantage fiscal résultant d’un assujettissement à l’impôt
entièrement imposé par l’État membre sur le territoire duquel la société
distributrice des dividendes est établie [arrêts Kronos International (C-47/12,
EU:C:2014:2200, point 84), et Orange European Smallcap Fund (C-194/06,
EU:C:2008:289, point 41)].
Les États membres ne peuvent faire preuve de discrimination dans l’exercice
de leur pouvoir de taxation
18 Après s’être répartis la compétence d’imposition, les États membres doivent
toutefois l’exercer dans le respect des principes du droit de l’Union (arrêt Imfeld
et Garcet, C‑303/12, EU:C:2013:822, point 42).
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BAUDINET E.A.
19 Cela est illustré par l’affaire Imfeld et Garcet, qui concernait un résident belge
ayant perçu l’intégralité de ses revenus en Allemagne et gagné plus que sa femme,
qui était résidente en Belgique. En vertu d’une CDI entre les
États membres, M. Imfeld n’était imposable que sur l’impôt sur le revenu
en Allemagne. La loi belge accordait une exemption d’impôt à celui ayant les
revenus les plus élevés dans un ménage, mais les autorités fiscales belges ont
refusé d’appliquer cette exemption au salaire de la femme; le couple n’a donc pas
pu en bénéficier. La Cour a considéré que la Belgique avait placé M. Imfeld dans
une situation désavantageuse par rapport à un couple percevant la totalité de ses
revenus en Belgique et a donc restreint sa liberté d’établissement. Il importe de
relever que, aux fins de l’analyse, la Cour a utilisé comme élément de
comparaison une situation dans laquelle tous les aspects de l’opération auraient eu
lieu dans l’État membre de résidence (arrêt Imfeld et Garcet, C-303/12,
EU:C:2013:822, points 49 et 50).
OBSERVATIONS DU ROYAUME-UNI
20 Au regard des principes applicables indiqués ci-dessus, le Royaume-Uni présente
les observations suivantes sur la question posée. Il convient tout d’abord de
considérer si, en l’espèce, la double imposition juridique faisant l’objet de
l’abattement prévu par la CDI et par la législation italienne constitue une
restriction à la libre circulation des capitaux contraire aux articles 63 TFUE et
65 TFUE. Il est donc nécessaire
[Or. 6] de déterminer: (i) s’il existe une
quelconque restriction dans la présente affaire, (ii) si et dans quelle mesure il y a
double imposition juridique et (iii) quelles obligations le droit de l’Union impose
pour remédier au désavantage fiscal découlant de l’imposition juridique.
Pas de restriction à la libre circulation des capitaux
21 Concernant le premier point, le Royaume-Uni ne voit aucune restriction à la libre
circulation des capitaux en l’espèce. Il en va ainsi car il n’y a pas de
discrimination ou de traitement différencié. Cela peut être illustré par l’exemple
suivant.
22 Si une personne physique résidant en Italie perçoit des dividendes provenant
d’une source nationale d’un montant de 10 000 euros, l’Italie inclura 40 % de ces
dividendes (donc 4000 euros) dans sa base d’imposition. Le taux d’imposition
applicable, conformément à ce qui est indiqué à la page 5 de l’ordonnance de
renvoi préjudiciel, est de 30 %; dès lors, l’impôt dû s’élèvera à 1200 euros.
23 Si une personne physique résidant en Italie perçoit en revanche des dividendes
provenant d’une source étrangère (française) d’un montant de 10 000 euros, le
pourcentage des dividendes d’origine étrangère pris en considération dans la base
d’imposition italienne sera le même, à savoir 40 % des dividendes (4000 euros).
Le taux d’imposition applicable aux dividendes d’origine française est,
conformément à ce qui est indiqué à la page 5 de l’ordonnance de renvoi
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AFFAIRE C-194/15 - 17
préjudiciel, de 30 %. L’impôt dû en Italie s’élèvera donc à 1200 euros. Toutefois,
les dividendes d’origine française auront fait l’objet d’une retenue à la source
effectuée à l’étranger de 15 %, résultant en un impôt français de 1500 euros.
24 Il y a donc double imposition juridique pour 40 % des dividendes d’origine
française, qui sont imposés à la fois en France et en Italie. Toutefois, l’abattement
préventif de la double imposition visé à l’article 24, paragraphe 1, de la CDI entre
l’Italie et la France prévoit que les 1500 euros d’impôt étranger doivent être
ventilés afin de refléter le montant des dividendes d’origine étrangère inclus dans
la base d’imposition italienne. En vertu de cette disposition, 40 % de 1500 euros
représentent 600 euros et 60 % de 1500 euros, 900 euros.
25 Le crédit d’impôt accordé aux fins d’éviter la double imposition en vertu de la
CDI est donc de 600 euros (fondé sur 40 % des dividendes), et cela réduit l’impôt
italien dû de 1200 à 600 euros. En déduisant de l’impôt dû en Italie le crédit
d’impôt dû au titre de l’impôt français, l’actionnaire payera 600 euros d’impôt en
France et 600 euros d’impôt en Italie, soit un total d’impôt de 1200 euros versés
au titre des dividendes d’origine française.
[Or. 7]
26 La charge fiscale globale pour 40 % des dividendes est la même que pour des
dividendes d’origine italienne de 1200 euros et la charge fiscale pour les 60 %
restants de dividendes non imposés par l’Italie a fait l’objet d’une retenue à la
source française de 900 euros. Par conséquent, la charge fiscale globale pour le
pourcentage de dividendes pris en considération dans la base d’imposition
italienne (40 %) est la même, que les dividendes proviennent de sources résidentes
ou non résidentes. Dans chaque cas de figure, l’impôt payé s’élève à un montant
total de 1200 euros. En outre, dans le cas de figure indiqué ci-dessus, les situations
sont comparables. Il n’y a pas de différence de traitement, la charge fiscale étant la
même, et il n’y a dès lors pas de restriction à la libre circulation des capitaux.
27 Les autres dividendes, à savoir les 6000 euros restants, ne sont pas pris en compte
dans la base d’imposition italienne, qu’ils proviennent ou non de sources
résidentes ou non résidentes. Il n’y a donc pas, là non plus, de différence de
traitement. Toutefois, le solde des dividendes d’origine française sera soumis à un
impôt français de 900 euros, alors que l’ordonnance de renvoi préjudiciel laisse
entendre que le solde de dividendes d’origine nationale ne serait pas imposé.
Cependant, cette imposition a été appliquée par un autre État membre, et puisque
cette partie des dividendes n’a pas été incluse dans la base d’imposition italienne,
elle n’est pas soumise à double imposition. L’Italie n’a donc pas d’obligation
d’accorder un crédit d’impôt ou de procéder à un remboursement concernant cette
partie des dividendes.
28 Si le pourcentage effectif de l’impôt italien était réduit du fait de différents
abattements, le résultat serait le même. Par exemple, s’il existait des dividendes
d’origine nationale dont 4000 euros devaient être inclus dans la base d’imposition
mais permettant de bénéficier de 3000 euros d’abattement, le montant net
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imposable serait de 1000 euros. L’impôt dû sur ce montant net serait imposable à
un taux de 30 %, et s’élèverait donc à 300 euros. Si, en revanche, les dividendes
provenaient d’une source étrangère et que les mêmes abattements étaient dus, la
somme nette imposable serait la même, comme pour l’impôt italien dû.
29 Le code des impôts italien prévoit, à titre de crédit d’impôt préventif de la double
imposition, un abattement de 400 euros et, selon l’article 11, paragraphe 4, de
ce code, le contribuable peut demander que la différence de 100 euros (à savoir les
400 euros d’impôt étranger payé moins les 300 euros d’impôt italien dû) soit ou
bien reportée à l’exercice fiscal suivant ou remboursée par l’Italie. Par
conséquent, la charge fiscale nette pour des dividendes d’origine nationale et sa
contrepartie étrangère comparable pour cet exercice fiscal, à savoir les 40 %
imposés par l’Italie, sont les mêmes (300 euros). Il n’y a pas de différence de
traitement, et donc pas de restriction à la libre circulation des capitaux.
[Or. 8]
30 Comme indiqué au point 19, l’affaire Imfeld a montré que l’élément de
comparaison adéquant aux fins de l’analyse est la situation purement nationale
italienne. Premièrement, l’impôt sur le revenu italien s’applique aux dividendes
des sociétés italiennes et étrangères de la même manière conformément au
code des impôts italien, et n’entraîne donc pas de discrimination à l’encontre de la
requérante (arrêt Orange European Smallcap Fund, C-194/06, EU:C:2008:289,
points 35 à 37). Le Royaume-Uni ne trouve (dans l’ordonnance de renvoi
préjudiciel) aucun fondement à la conclusion selon laquelle la législation italienne
traiterait les dividendes d’origine nationale de manière plus favorable que ceux
d’origine étrangère. Le crédit accordé par l’Italie a pour effet que la requérante ne
paie pas plus d’impôt sur le revenu aux autorités italiennes au titre de ses
dividendes que si les dividendes provenaient de sociétés italiennes. Il n’y a pas de
différence de traitement et aucune discrimination d’aucune sorte.
31 Deuxièmement, on ne saurait affirmer que la disposition italienne octroyant un
crédit d’impôt partiel est discriminatoire par rapport à la retenue à la source
française si l’on compare le traitement que le droit italien réserve aux dividendes
d’origine nationale. Il est vrai que, lorsqu’un État membre a un système de
prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition
économique des dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il
doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par
des sociétés non-résidentes [arrêts Lenz (C‑315/02, EU:C:2004:446, points 27
à 49), et Manninen (C‑319/02, EU:C:2004:484, points 29 à 55)]. Toutefois, rien
n’indique dans l’ordonnance de renvoi préjudiciel qu’une quelconque disposition
du droit italien aurait pour effet de prévenir ou d’atténuer la double imposition des
dividendes versés à des résidents italiens par des sociétés italiennes. En fait, il
apparaît que, dans de telles circonstances, il n’y a pas de double imposition en
Italie; il est indiqué dans l’ordonnance de renvoi préjudiciel (page 6) qu’aucune
retenue à la source n’est appliquée à de tels dividendes et que seul l’impôt sur les
revenus correspondant à 40 % du montant brut est dû. Par conséquent, la situation
en l’espèce n’est pas analogue à celle en cause dans l’affaire Manninen.
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AFFAIRE C-194/15 - 17
Pas de double imposition sur 60 % des dividendes
32 Le Royaume-Uni note, relativement au deuxième point, que, dans la mesure où
60 % des dividendes ne sont pas inclus dans la base d’imposition de l’État italien,
il n’y pas de double imposition à éviter sur cette partie des dividendes. C’est ce
qui ressort du raisonnement de la Cour au point 84 de l’arrêt Kronos [C-47/12,
EU:C:2014:2200], selon lequel, lorsque l’État membre de résidence n’exerce pas
sa compétence d’imposition sur des paiements, il n’y a pas d’obligation,
[Or. 9]
pour cet État membre, de compenser un désavantage fiscal résultant d’un
assujettissement à l’impôt entièrement imposé par l’État membre sur le territoire
duquel la société distributrice des dividendes est établie.
Pas d’obligation de remédier au désavantage fiscal en accordant un crédit au
titre de l’impôt français
33 Les autres observations du Royaume-Uni portent sur les obligations de l’État
italien relativement au montant des dividendes inclus dans sa base d’imposition et
qui ont été imposés tant en France qu’en Italie. Selon une jurisprudence constante,
les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle de compétences fiscales
par différents États membres (dans la mesure où cet exercice n’est pas
discriminatoire) ne constituent pas des restrictions interdites par le droit de
l’Union. L’Italie a exercé sa compétence d’imposition sans discrimination et a
entièrement neutralisé la double imposition qui avait eu lieu en l’espèce.
Toutefois, la circonstance que tant l’État membre de la source des dividendes que
l’État membre de résidence de l’actionnaire sont susceptibles d’imposer lesdits
dividendes n’implique pas que l’État membre de résidence soit tenu, en vertu du
droit de l’Union, de prévenir les désavantages qui pourraient découler de
l’exercice de la compétence ainsi répartie par les deux États membres
(arrêt Damseaux, C‑128/08, EU:C:2009:471, point 34).
Pas d’obligation de rembourser plus que l’impôt italien dû
34 La Cour a également déjà jugé que la libre circulation des capitaux garantie par le
TFUE ne saurait avoir pour effet d’imposer aux États membres d’aller au-delà
d’une annulation de l’impôt national à acquitter par un résident au titre de
dividendes d’origine étrangère ni s’étendre à accorder un remboursement d’un
montant trouvant son origine dans le système fiscal d’un autre État membre
[arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation (C-446/04, EU:C:2006:774,
point 52), et Kronos International (C-47/12, EU:C:2014:2200, point 83)].
35 La requérante fait valoir qu’il a été porté atteinte à son droit à la libre circulation
des capitaux, car ses dividendes font à la fois l’objet d’une retenue à la source en
France et d’un impôt sur le revenu en Italie. Toutefois, le Royaume-Uni considère
que son grief est fondamentalement le même que dans les affaires Kerckhaert et
Damseaux, et ne saurait être accueilli pour les mêmes raisons. L’Italie n’a pas
d’obligation, imposée par le droit de l’Union, d’octroyer un crédit d’impôt à la
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BAUDINET E.A.
requérante, et le fait que, en vertu de la CDI
[Or. 10] et du droit italien, l’Italie
permette à la requérante de déduire une proportion déterminée de la retenue à la
source française de l’impôt sur le revenu dû en Italie, n’y change rien.
36 Rien dans le droit de l’Union n’oblige l’Italie à rembourser la requérante au titre
des conséquences de l’application simultanée, par la France et par l’Italie, de leur
compétence fiscale sur les revenus issus de dividendes. En outre, indépendamment
de l’absence de tout fondement à la demande de la requérante dans le droit de
l’Union, la Cour a jugé, dans l’arrêt Gilly, que l’objet d’une CDI est seulement
d’éviter que les mêmes revenus soient imposés dans chacun des deux États, «
pas
de garantir que l’imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans un État
ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l’autre»
(arrêt Gilly, C-336/96, EU:C:1998:221, point 46) et que les conséquences
défavorables résultant de la différence ne constituent pas une violation du droit de
l’Union (ibidem, point 47).
37 La question posée porte sur le point de savoir si l’État italien est tenu d’accorder
un crédit d’impôt au moins équivalent au montant de l’impôt payé en France. Cela
entraînerait une obligation pour l’État italien de payer à la requérante plus que ce
qu’elle a reçu d’elle en impôt. Même s’il existait un fondement pour considérer
que la législation italienne n’était pas conforme au droit de l’Union, le
remboursement de ce qui excède le crédit d’impôt accordé en vue d’éviter la
double imposition va au-delà de ce qu’un État membre est tenu de faire
(arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774,
point 52):
«
Lorsque, en revanche, ces bénéfices sont soumis dans l’État membre de la
société distributrice à un impôt supérieur à l’impôt prélevé par l’État
membre de la société bénéficiaire, ce dernier n’est contraint d’accorder un
crédit d’impôt que dans la limite du montant de l’impôt sur les sociétés dû
par la société bénéficiaire. Il n’est pas tenu de rembourser la différence,
c’est-à-dire le montant acquitté dans l’État membre de la société
distributrice qui excède le montant d’impôt dû dans l’État membre de la
société bénéficiaire».
38 Si l’Italie était tenue d’accorder un tel crédit d’impôt supérieur à la limite de
l’impôt dû par le contribuable, cela porterait gravement atteinte au principe
fondamental selon lequel les États membres conservent leur souveraineté en
matière de fiscalité directe. Une telle conclusion porterait atteinte à la répartition
des compétences fiscales convenues entre les États membres en question. Cela
conduirait également à l’érosion de la base d’imposition italienne,
[Or. 11]
notamment eu égard au fait que le crédit d’impôt demandé par la requérante est
supérieur à l’impôt prélevé au titre de ses dividendes en Italie (arrêt Gilly,
C‑336/96, EU:C:1998:221, point 48).
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CONCLUSION
39 Le Royaume-Uni considère, avec tout le respect dû, que les principes indiqués
ci-dessus découlent clairement de la jurisprudence de la Cour et qu’il conviendrait
donc que la Cour se prononce sur la demande préjudicielle par voie d’ordonnance
motivée. En conclusion, le Royaume-Uni estime qu’il convient de répondre à la
question posée comme suit:
«Les articles 63 TFUE et 65 TFUE ne s’opposent pas à une réglementation
d’un État membre en vertu de laquelle un résident [d’un État membre] qui
perçoit des dividendes d’une société enregistrée dans un autre État membre
est imposé dans les deux États et ne bénéficie d’aucun crédit d’impôt au titre
de l’impôt prélevé dans l’autre État membre. En outre, une réglementation
en vertu de laquelle un État membre octroie, dans l’exercice de sa
compétence fiscale souveraine, un crédit d’impôt partiel au titre de l’impôt
prélevé dans l’autre État membre dont le montant n’est pas le même et est
inférieur à l’impôt payé à l’étranger est conforme aux articles 63 TFUE et
65 TFUE».
Sarah Simmons
Owain Thomas
Agent du Royaume-Uni
Barrister
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