Ref. Ares(2015)1316900 - 25/03/2015
Date de réception
:
25/03/2015
Z
Traduction
C-429/14 - 13
Observations de l’Allemagne
Affaire C-429/14*
Pièce déposée par:
République fédérale d’Allemagne
Nom usuel de l’affaire:
Air Baltic Corporation
Date de dépôt:
7 janvier 2015
* Langue de procédure: le lituanien.
FR
AFFAIRE C-429/14 - 13
Observations
dans l’affaire C-429/14
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle soumise à la Cour de
justice de l’Union européenne par le Lietuvos aukščiausiasis teismas (Cour
suprême de Lituanie, Lituanie) par ordonnance du 16 septembre 2014, dans le
cadre de la procédure opposant devant ce dernier
la société Air Baltic Corporation AS
à
la Lietuvos Respublikos specialiųjų tyrimų tarnyba
(Service des enquêtes spéciales de la République de Lituanie),
nous formulons les observations suivantes, au nom du gouvernement de la
République fédérale d’Allemagne et en vertu du pouvoir qui nous a été conféré,
comme en atteste le mandat joint,
[Or. 2]
Table des matières
I – Les faits et la procédure
3
II –
En droit
4
1 –
Absence, dans la convention de Montréal, de règle
concernant le droit à réparation
5
a) Le texte de la convention de Montréal ne règle pas la
question du droit à réparation
5
b) Aucune règle restrictive quant au droit à réparation ne
découle de l’objet et de la finalité de la convention de Montréal
7
c) Conclusion intermédiaire: la question du droit à réparation
est régie par le droit national applicable
8
2 –
Absence, dans la convention de Montréal, de règle relative
au préjudice réparable de tiers
9
a) Le texte de la convention de Montréal ne règle pas la
question du préjudice réparable
9
b) Aucune règle restrictive quant au préjudice réparable ne
découle de l’objet et de la finalité de la convention de Montréal
10
III – Conclusion
10
2
AIR BALTIC CORPORATION
I –
Les faits et la procédure
1
Le Lietuvos aukščiausiasis teismas a déféré à la Cour les questions préjudicielles
reproduites ci-après, relatives à l’interprétation des articles 19, 22 et 29 de la
convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien
international, conclue à Montréal le 28 mai 1999 (ci-après la «convention de
Montréal» ou la «convention»):
«1) Convient-il de comprendre et interpréter les articles 19, 22 et 29 de la
convention de Montréal en ce sens que le transporteur aérien est
responsable envers les tiers, et notamment l’employeur d’un passager
(une personne morale, avec laquelle il a conclu un contrat de transport
international de passagers), du préjudice résultant d’un retard de vol,
en raison duquel le demandeur (l’employeur) a encouru des dépenses
supplémentaires (par exemple, a dû verser des indemnités journalières
de mission)?
2) Si la réponse à la première question est négative, convient-il de
comprendre et interpréter l’article 29 de la convention de Montréal en
ce sens que ces tiers peuvent agir contre le transporteur aérien sur
d’autres fondements, par exemple celui du droit national?»
2
Les faits à l’origine du litige sont les suivants: la partie demanderesse au principal
en première instance (ci-après également la «partie demanderesse») réclame à la
compagnie aérienne défenderesse au principal en première instance (ci-après
également la «partie défenderesse») une somme de 1 168,53 LTL à titre de
dommages-intérêts. Elle fait valoir que, en raison d’une faute imputable à la partie
défenderesse, la mission de deux employés de la partie demanderesse s’était
prolongée de 14 heures et 50 minutes
[Or. 3] et que, de ce fait, elle avait été
obligée de payer le montant précité à titre d’indemnités journalières de mission
ainsi que de cotisations de sécurité sociale. La partie demanderesse avait acheté
les billets par l’intermédiaire d’une agence de voyages. Selon les informations de
voyage indiquées sur les billets, le départ de Vilnius était prévu le 16 janvier 2011
à 9h55, l’arrivée à Bakou le 16 janvier 2011 à 20h40 (heure de Lituanie). Il était
en outre prévu que le transporteur effectuant le trajet Vilnius-Riga-Moscou serait
la partie défenderesse. Le 16 janvier 2011, les employés ont décollé de l’aéroport
de Vilnius à bord d’un avion de la partie défenderesse comme prévu à 9h55 et
sont arrivés à Riga à 10h50. Leur voyage ne s’est poursuivi à destination de
Moscou, avec un avion de la partie défenderesse, qu’à 18h10, au lieu de 12h15. La
partie défenderesse n’a pas indiqué les raisons du retard. L’arrivée à Moscou a eu
lieu à 20h30. Les employés de la partie demanderesse n’ont pas pu prendre le vol
de correspondance à destination de Bakou, lequel partait à 20h40. Pour cette
raison, ils ont été transférés sur un vol partant de Moscou le 17 janvier 2011. La
partie défenderesse n’a pas mis de chambre d’hôtel à la disposition des deux
personnes, qui ont donc passé la nuit du 16 au 17 janvier 2011 dans la salle
d’attente de l’aéroport de Moscou. Ce n’est que le 17 janvier 2011 à 14h30 que les
3
AFFAIRE C-429/14 - 13
employés de partie demanderesse sont arrivés à Bakou. Par jugement du
30 novembre 2012, le tribunal saisi en première instance a fait droit à la demande
de la partie demanderesse. Le tribunal n’a sciemment pas appliqué le règlement
(CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004,
établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des
passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important
d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO L 46, p. 1). Comme
l’action de la partie demanderesse tendait à une réparation individualisée du
préjudice subi, le tribunal a appliqué la convention de Montréal. Le jugement
rendu en première instance a été confirmé en appel. La juridiction d’appel a
motivé sa décision notamment par le fait que l’article 19 de la convention de
Montréal prévoyait la responsabilité du transporteur en cas de dommage résultant
d’un retard dans le transport aérien de passagers et ne fermait pas la possibilité à
la partie demanderesse d’exiger réparation du préjudice subi par elle. L’article 1er
de la convention de Montréal stipulait que celle-ci s’appliquait à tout transport
international de personnes. En l’occurrence, c’était la partie demanderesse qui
avait acheté les titres de voyage, qui avait payé le prix du voyage de ses employés
et donc conclu un contrat avec la partie défenderesse. La partie demanderesse
avait subi un préjudice. La partie défenderesse n’avait pas contesté ce préjudice.
La juridiction d’appel en a conclu que la partie demanderesse était, en vertu de
l’article 19 de la convention de Montréal, en droit d’exiger la réparation de son
préjudice. Au stade du pourvoi en cassation, la compagnie aérienne défenderesse
au principal cherche toujours à obtenir le rejet de l’action intentée à son encontre.
Elle fait valoir que seuls les passagers effectivement transportés peuvent agir en
réparation en vertu de la convention de Montréal.
Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a soumis à la Cour les questions
reproduites ci-dessus.
[Or. 4]
II – En droit
3
Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, en
application des articles 19, 22 et 29 de la convention de Montréal, le transporteur
est tenu de réparer le préjudice résultant d’un retard dans le transport aérien outre
au passager également à des tiers, tels que l’employeur du passager dans l’affaire
au principal. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande ensuite si
des tiers, tels que l’employeur dans l’affaire au principal, peuvent réclamer au
transporteur réparation du préjudice sur le fondement du droit national.
4
Le gouvernement allemand comprend les deux questions préjudicielles en ce sens
que la juridiction de renvoi souhaite concrètement savoir qui, dans des situations
relevant du champ d’application de la convention de Montréal, peut prétendre à
réparation en cas de dommage résultant d’un retard dans le transport aérien, quel
préjudice peut donner lieu à réparation et quelles sont les règles applicables à cet
4
AIR BALTIC CORPORATION
égard, à savoir la convention de Montréal elle-même ou le droit national. Le
gouvernement allemand répondra dès lors aux deux questions ensemble.
5
En réponse aux questions préjudicielles, le gouvernement allemand est d’avis que
la convention de Montréal ne tranche justement pas la question du droit à
réparation et ne limite pas le cercle des personnes pouvant prétendre à réparation
aux seuls passagers. La question du droit à réparation est, au contraire, régie par le
droit national applicable. Le gouvernement allemand considère en outre que la
convention de Montréal ne règle pas non plus la question du préjudice donnant
lieu à réparation. En l’absence de règle dans la convention de Montréal, cette
question est également régie par le droit national applicable.
1 –
Absence, dans la convention de Montréal, de règle concernant le droit à
réparation
6
Selon le gouvernement allemand, ni l’article 19, ni aucune autre disposition, de la
convention de Montréal ne règle expressément la question de savoir qui est en
droit d’agir en réparation d’un préjudice résultant d’un retard dans le transport
aérien de passagers. Dès lors qu’elle n’est pas réglée dans la convention de
Montréal, la question du droit à réparation est régie par le droit national
applicable.
7
La convention de Montréal, signée par la Communauté européenne le
9 décembre 1999 sur le fondement de l’article 300, paragraphe 2, CE, a été
approuvée par décision du Conseil
[Or. 5] du 5 avril 2001 1 et est entrée en
vigueur, en ce qui concerne la Communauté, le 28 juin 2004. Selon une
jurisprudence constante de la Cour, les dispositions de cette convention font, à
partir de cette date, partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union 2.
a)
Le texte de la convention de Montréal ne règle pas la question du droit à
réparation
8
Selon le gouvernement allemand, il ressort déjà du texte des articles 1er, 19, 22 et
29 de la convention de Montréal que celle-ci laisse ouverte la question du droit à
réparation.
9
Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la convention de Montréal, cette
convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou
marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Les paragraphes 2 à 4 de
ce même article explicitent la notion de transport. La convention a ainsi pour objet
central le transport de personnes ou de biens. L’article 1er de la convention de
1 – Décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, concernant la conclusion par la
Communauté européenne de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au
transport aérien international (convention de Montréal) (JO L 194, p. 38).
2 – Voir arrêts du 30 avril 1974, Haegeman (181/73, Rec. p. 449, point 5); du
30 septembre 1987, Demirel (12/86, Rec. p. 3719, point 7), et du 10 janvier 2006, IATA et
ELFAA (C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 36).
5
AFFAIRE C-429/14 - 13
Montréal ne contient en revanche aucun élément susceptible de servir d’indice aux
fins de la question de savoir qui peut prétendre à réparation en cas de transport.
10 Comme la Cour l’a déjà jugé à plusieurs reprises, les articles 19, 22 et 29 de la
convention de Montréal réglementent les actions visant à obtenir, à titre de
réparation individualisée, des dommages-intérêts du transporteur fautif 3. Ces
dispositions, non plus, ne contiennent aucun élément permettant de déterminer la
personne pouvant prétendre à réparation.
11 En vertu de l’article 19 de la convention de Montréal, le transporteur est
responsable du dommage résultant du retard dans le transport aérien de passagers,
de bagages ou de marchandises. De l’article 19 de la convention de Montréal
ressort donc la cause de la survenance du dommage, à savoir le retard dans le
transport aérien. Le texte de l’article 19 de la convention de Montréal précise
également la personne qui en répond, à savoir le transporteur. La circonstance
que la responsabilité du fait d’un retard
[Or. 6] joue notamment s’agissant du
transport aérien de passagers ne signifie pas que (seul) le passager puisse
prétendre à réparation. L’énumération «de passagers, de bagages ou de
marchandises» renvoie en effet aux différents types de transport relevant de la
convention de Montréal. Déjà la circonstance que l’article 19 de la convention de
Montréal prévoit un droit à réparation non pas uniquement du fait d’un retard dans
le transport de passagers, mais aussi en cas de retard dans le transport de
marchandises, plaide en faveur de ce que cette disposition ne limite pas le cercle
des titulaires d’un droit à réparation aux seuls passagers. L’article 19 de la
convention de Montréal ne se prononce donc pas sur la question de savoir qui peut
prétendre à réparation.
12 L’article 22 de la convention de Montréal ne fournit pas davantage une indication
concernant le droit à réparation, il prévoit une limitation de la responsabilité en
cas de retard. Il découle de de l’article 22, paragraphe 1, de la convention de
Montréal que, en cas de dommage résultant d’un retard, au sens de l’article 19,
dans le transport de personnes, la responsabilité du transporteur est limitée à la
somme de 4 150 droits de tirage spéciaux par passager *. Une nouvelle fois, il
résulte de la référence aux personnes et passagers uniquement que cette
disposition s’applique si des dommages surviennent lors du transport de
personnes. La personne pouvant prétendre à réparation n’est en revanche pas
précisée.
3 – Arrêts IATA et ELFAA (précité, point 32) et du 22 décembre 2008, Wallentin-Hermann
(C‑549/07, Rec. p. I‑11061, point 32).
* – Ndt: traduction littérale de la version allemande («[f]ür Verspätungsschäden im Sinne des
Artikels 19 haftet der Luftfrachtführer bei der Beförderung von Personen nur bis zu einem
Betrag von 4 150 Sonderziehungsrechten je Reisenden»), «[e]n cas de dommage subi par
des passagers résultant d’un retard, aux termes de l’article 19, la responsabilité du
transporteur est limitée à la somme de 4 150 droits de tirage spéciaux par passager» dans la
version française de la convention.
6
AIR BALTIC CORPORATION
13 Par ailleurs, l’article 29 de la convention de Montréal, consacré au «principe des
recours», est particulièrement clair. Le texte du premier membre de phrase dudit
article cite plusieurs bases juridiques sur lesquels la réparation peut être fondée
(«en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou
pour toute autre cause»). Toutes ces bases juridiques peuvent en principe servir de
fondement à une action du passager lui-même ou à une action de tiers ayant subi
un préjudice. Le texte du deuxième membre de la première phrase de l’article 29
de la convention de Montréal est cependant plus clair encore. Celui-ci laisse en
effet la question du droit à réparation expressément ouverte, en ajoutant au sujet
de l’action en dommages-intérêts, y compris en vertu de la convention de
Montréal, la précision «sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le
droit d’agir et de leurs droits respectifs».
14 Enfin, le texte de l’article 36, paragraphe 2, de la convention de Montréal laisse
lui aussi à penser que la convention ne règle elle-même pas la question du droit à
réparation. Il semble au contraire ressortir dudit article 36, paragraphe 2, qu’il soit
possible que d’autres personnes peuvent également prétendre à réparation. En
effet, ladite disposition prévoit que, en cas de transport, soit le passager, soit
l’«autre personne pouvant prétendre à réparation *», ne pourront agir que contre le
transporteur ayant effectué le transport.
[Or. 7]
15 Selon le gouvernement allemand, il ne ressort donc du texte de la convention de
Montréal aucune restriction en ce sens que seul le passager lui-même pourrait agir
contre le transporteur en réparation d’un préjudice résultant d’un retard.
b)
Aucune règle restrictive quant au droit à réparation ne découle de l’objet et
de la finalité de la convention de Montréal
16 Selon le gouvernement allemand, aucune restriction en ce sens que, en vertu de la
convention de Montréal, seul le passager lui-même pourrait réclamer réparation
du dommage résultant d’un retard dans le transport ne résulte, non plus, de
l’économie de la convention de Montréal, de son objet ou de sa finalité.
17 Ainsi qu’il ressort de son préambule, la convention de Montréal a tout d’abord
pour objectif d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le
transport aérien international et une indemnisation équitable fondée sur le principe
de réparation intégrale **.
18 Du fait de ce rattachement à la protection des intérêts des consommateurs, la
convention possède un champ d’application large. Il englobe tous les intérêts des
consommateurs susceptibles d’être affectés par le transport aérien. Ce sont, avant
* – Ndt: traduction littérale de la version allemande («der Reisende oder die sonst
anspruchsberechtigte Person»), «le passager ou ses ayants droit» dans la version française
de la convention.
** – Ndt: traduction littérale de la version allemande («Grundsatz des vollen Ausgleichs»),
«principe de réparation» dans la version française de la convention.
7
AFFAIRE C-429/14 - 13
tout, les intérêts des personnes transportées elles-mêmes. Il est cependant
également concevable que les intérêts de personnes qui n’ont pas été elles-mêmes
transportées soient affectés du fait du transport aérien d’autres personnes. Selon le
gouvernement allemand, il serait inconciliable avec cet objectif si les tiers ne
pouvaient pas réclamer réparation des dommages résultant d’un retard dans le
transport aérien. On pourrait par exemple s’imaginer que, en vertu du droit
national, ce ne soit pas passager lui-même qui est titulaire du droit à réparation,
mais un tiers, notamment parce que le dommage résultant du retard est survenu
dans le chef du tiers, non dans celui du passager lui-même. Pour l’objectif de
protection des intérêts des consommateurs, cela ne saurait faire une différence de
savoir si les dépenses engendrées par un retard dans le transport aérien sont
supportés par le passager ou par un tiers.
19 Selon le gouvernement allemand, rien d’autre ne découle du deuxième objectif de
la convention de Montréal, à savoir d’assurer l’équilibre entre les intérêts des
consommateurs et ceux du transporteur 4. Afin de
[Or. 8] préserver cet équilibre
des intérêts, l’article 22 de la convention de Montréal limite la responsabilité du
transporteur en plafonnant le montant de la réparation due. La mise en équilibre
des intérêts prend dans la convention la forme d’un plafonnement du montant de
l’indemnisation due. L’équilibre des intérêts ainsi assuré ne comporte en revanche
aucune restriction du cercle des personnes pouvant prétendre à réparation.
20 En effet, selon le gouvernement allemand, la limitation édictée à l’article 22,
paragraphe 1, de la convention de Montréal s’applique également lorsque, en
vertu du droit national, un tiers peut prétendre à réparation d’un dommage
résultant d’un retard dans le transport aérien au titre de l’article 19 de la
convention de Montréal. Cela découle déjà de l’article 29 de la convention de
Montréal, aux termes duquel toute action en dommages-intérêts, à quelque titre
que ce soit, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de
responsabilité prévues par cette même convention. Partant, la limitation de
responsabilité joue en faveur du transporteur également dans le cadre d’actions
introduites par des tiers et cette charge potentielle ne saurait être considérée
comme compromettant ou paralysant l’activité économique des transporteurs 5.
c)
Conclusion intermédiaire: la question du droit à réparation est régie par le
droit national applicable
21 Selon le gouvernement allemand, la convention de Montréal laisse donc ouverte la
question du droit à réparation et ne restreint pas le cercle des personnes pouvant
prétendre à réparation aux seuls passagers. En l’absence de règles y afférentes
dans la convention de Montréal, la question du droit à réparation est donc régie
par le droit national applicable.
4 – Arrêt de la Cour du 22 novembre 2012, Espada Sánchez e.a. (C‑410/11, non encore publié
au Recueil, point 30).
5 – Arrêt Espada Sánchez e.a., précité, point [34].
8
AIR BALTIC CORPORATION
2 –
Absence, dans la convention de Montréal, de règle relative au préjudice
réparable de tiers
22 Le gouvernement allemand est par ailleurs d’avis que la convention de Montréal
ne règle pas la question du préjudice réparable. La question de savoir si le
transporteur doit réparer le préjudice subi par un tiers du fait d’un retard dans le
transport ou est uniquement tenu de réparer le préjudice né directement dans le
chef du passager est donc également régie par le droit national applicable.
[Or. 9]
a)
Le texte de la convention de Montréal ne règle pas la question du préjudice
réparable
23 La convention de Montréal ne contient aucun élément susceptible de servir
d’indice pour la question du préjudice réparable. Selon le texte même de l’article
19 de la convention, celui-ci concerne uniquement la cause de la survenance du
dommage. Le dommage doit ainsi résulter d’un retard dans le transport. Il n’en
ressort aucune indication concernant le point de savoir quel préjudice peut donner
lieu à réparation.
24 Selon le gouvernement allemand, l’article 22 de la convention n’édicte pas
davantage de restriction concernant le préjudice réparable. Il est certes exact que
la version en langue française, «en cas de dommage subi par des passagers», laisse
à penser qu’il s’agit uniquement de la réparation de dommages subis par le
passager lui-même. Ce n’est en revanche pas le cas de la version en langue
anglaise, laquelle déclare, sans la moindre restriction, «in the case of damage
caused by delay».
25 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la nécessité
d’une application et, dès lors, d’une interprétation uniformes des dispositions du
droit de l’Union exclut que, en cas de doute, le texte d’une disposition soit
considéré isolément dans une de ses versions; il doit, au contraire, être interprété
et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles 6.
Selon le gouvernement allemande, cela s’applique mutatis mutandis également à
la convention internationale de Montréal, qui fait partie de l’ordre juridique de
l’Union, en ce qui concerne les langues faisant foi de la convention qui sont
également langues officielles de l’Union.
26 Par ailleurs, l’article 22 de la convention de Montréal n’est pas la norme juridique
qui fonde le droit à réparation, il se borne à limiter la responsabilité en plafonnant
le montant de la réparation due. Or, ni de la version anglaise («The carrier is liable
for damage occasioned by delay»), ni de la version française («Le transporteur est
responsable du dommage résultant d’un retard») de l’article 19 de la convention
6 – Arrêts du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 3); du 2 avril 1998, EMU
Tabac e.a. (C‑296/95, Rec. p. I‑1605, point 36), et du 19 avril 2007, Profisa (C‑63/06,
Rec. p. I‑3239, point 13).
9
AFFAIRE C-429/14 - 13
Montréal, il ne ressort que seuls les dommages subis par le passager lui-même
puissent donner lieu à réparation.
[Or. 10]
b)
Aucune règle restrictive quant au préjudice réparable ne découle de l’objet
et de la finalité de la convention de Montréal
27 Selon le gouvernement allemand, il n’est pas non plus possible de déduire de
l’objet et de la finalité de la convention de Montréal une règle concernant le
préjudice réparable et, dès lors, une restriction au seul préjudice immédiat du
passager.
28 Ainsi qu’il a déjà été exposé, l’objet et la finalité de la convention de Montréal
reposent sur la prémisse que la protection des intérêts des consommateurs exige la
réparation intégrale du dommage. Selon le gouvernement allemand, cela plaide
justement contre une limitation du préjudice réparable. Il serait incompatible avec
cet objectif de la convention de Montréal de restreindre le préjudice réparable au
dommage immédiat subi par le passager.
29 Ainsi qu’il a déjà été exposé, la convention prévoit de plus une limitation de la
responsabilité, en faveur du transporteur et afin de préserver l’équilibre des
intérêts, non pas en fonction de la nature du dommage, mais, à son article 22,
uniquement en fonction du montant du dommage. Selon le gouvernement
allemand, du fait de cette limitation de la responsabilité, qui joue également
s’agissant des dommages subis par des tiers, l’équilibre des intérêts exigé par la
convention de Montréal ne requiert pas de restreindre le préjudice réparable aux
seuls dommages subis par le passager pour réaliser.
III – Conclusion
30 Le gouvernement allemand propose de répondre comme suit aux questions
préjudicielles:
«
Il convient d’interpréter les articles 19, 22 et 29 de la convention de
Montréal en ce sens qu’ils ne font pas obstacle à ce qu’un tiers fasse
valoir un droit à réparation des dommages qu’il a subis du fait d’un
retard dans le transport au sens de l’article 19 de ladite convention.
Il appartient au juge national de vérifier au regard du droit national
applicable si un tiers qui n’est pas lui-même passager est une personne
pouvant prétendre à réparation ainsi que le caractère réparable du
préjudice subi par ce tiers.»
[signature]
Möller
10