Ref. Ares(2015)1963023 - 08/05/2015
COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 7 mai 2015
sj.f(2015)2186137
Original:EL
Documents de procédure juridictionnelle
À MONSIEUR LE PRÉSIDENT ET AUX MEMBRES
DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
MÉMOIRE EN RÉPONSE
présenté, conformément à l'article 172 du règlement de procédure de la Cour,
par la COMMISSION EUROPÉENNE,
représentée par MM. Jean-Paul Keppenne, son conseiller juridique, et Minas
Konstantinidis, membre de son service juridique, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de Mme Merete Clausen, également membre de son service juridique, Bâtiment
BECH, 11 rue A. Weicker, L-2721 Luxembourg, qui consentent à la signification de tous
les actes de procédure via e-Curia,
dans l’affaire C-105/15 P
Konstantinos Mallis et Elli Konstantinou Malli
Autres parties à la procédure:
Commission européenne
Banque centrale européenne
ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance rendue par le Tribunal dans
l’affaire Τ-327/13.
Commission européenne/Europese Commissie, 1049 Bruxelles/Brussel, BELGIQUE/BELGIË - Τél. +32 22991111
Bureau: BERL- 02/215 - Τél. ligne directe +32 229-58 902
2
I.
INTRODUCTION
1.
La Commission rappelle que le Tribunal, dans son ordonnance du 16 octobre 2014,
a rejeté comme étant irrecevable le recours des requérants qui avait pour objet
d'obtenir l’annulation de la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 relative,
notamment, à la restructuration du secteur bancaire à Chypre. Le Tribunal a jugé le
recours irrecevable étant donné que la déclaration attaquée ne pouvait, d’une part,
être imputée aux parties défenderesses1 et, d’autre part, produire des effets
juridiques à l’égard des tiers2. Le Tribunal a également rejeté comme étant
irrecevable la demande des requérants tendant à obtenir qu'il constate, de manière
déclaratoire, que la déclaration attaquée a été adoptée par la Commission
européenne (ci-après la «Commission») et la Banque centrale européenne (ci-après
la «BCE») et non par l’Eurogroupe, en rappelant qu'il n’est pas compétent pour
prononcer des arrêts déclaratoires dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur
l’article 263 TFUE3.
2.
Les requérants avancent trois moyens de pourvoi4 contre l’ordonnance du Tribunal.
La Commission estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en
adoptant l'ordonnance attaquée et présentera ses observations sur les moyens de
pourvoi dans l’ordre dans lequel ils ont été présentés dans la requête en pourvoi.
II.
OBSERVATIONS SUR LES MOYENS DE POURVOI
Sur le premier moyen de pourvoi
3.
Les requérants soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de
motivation car le Tribunal a mal interprété ou n’a pas suffisamment et/ou pas du
tout examiné la décision de la réduction de la valeur des dépôts sur la base des faits
1 Point 50 de l’ordonnance.
2 Point 62 de l’ordonnance.
3 Point 64 de l’ordonnance.
4 La demande de taxation des dépens de la procédure est présentée à tort par les requérants en tant que
«quatrième moyen de pourvoi».
3
de l’affaire relatifs au véritable auteur de ladite décision. Selon les requérants, le
Tribunal n’a pas correctement apprécié le fait que l’Eurogroupe n’était pas un
simple forum de discussion mais le truchement par lequel les parties défenderesses
ont pris une décision sur la question de la la réduction de la valeur des dépôts par la
déclaration attaquée. Selon les requérants, le Tribunal a également commis une
erreur en n'examinant pas le fait que le gouverneur de la Banque de Chypre, qui
avait adopté les décrets n° 103 et 104, par lesquels la la réduction de la valeur des
dépôts a été décidée, a mis en œuvre les décisions des parties défenderesses par le
truchement de l’Eurogroupe.
4.
La Commission fait tout d’abord observer que conformément à l'article 256 TFUE, à
l'article 58 du statut de la Cour de justice et à l'article 169, paragraphe 2, du
règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit identifier avec précision les
points des motifs de l'arrêt ou de l'ordonnance du Tribunal qui sont contestés ainsi
que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande5.
5.
En l’espèce, les requérants, dans le cadre du premier moyen de pourvoi, n'identifient
pas les points des motifs de l’ordonnance attaquée qui sont entachés d’une erreur de
droit en interprétant de manière erronée les faits de l’affaire
. Cette constatation suffit
pour que la Cour rejette le premier moyen de pourvoi comme étant irrecevable, du
moins dans la mesure où une interprétation juridique erronée des faits est invoquée.
6.
Si la Cour ne juge pas irrecevable le premier moyen de pourvoi dans son intégralité,
ce dernier devra en tout état de cause être rejeté comme étant dénué de fondement
étant donné que l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée dans son ensemble.
En particulier, le Tribunal répond correctement et suffisamment, dans l’ordonnance
attaquée, à la question de savoir qui a adopté l’acte attaqué. En particulier:
7.
Aux points 37 à 50 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a pleinement motivé la
constatation selon laquelle l’acte attaqué ne peut être imputé à la Commission ou à
la BCE. Comme le relève à juste titre le Tribunal6, l'Eurogroupe constitue une
réunion informelle des ministres des États membres dont la monnaie est l’euro. En
5 Voir, en particulier, arrêt du 4 juillet 2000 dans l'affaire C-352/98 P, Bergaderm et
Goupil/Commission, Rec. 2000, p. I-5291, point 34.
6 Points 42 à 44 de l’ordonnance attaquée.
4
conséquence, il ne fait pas partie de la structure organisationnelle de la
Commission ou de la BCE. En outre, le Tribunal souligne à juste titre que
l'Eurogroupe n’a pas reçu une délégation de compétence de la Commission ou de la
BCE, pour conclure qu’il n'est pas possible de considérer que l’Eurogroupe est
contrôlé par ces dernières ni qu'il agit en tant que mandataire de ces institutions.
8.
Le Tribunal constate, par conséquent, que la déclaration attaquée de l’Eurogroupe
n’est pas imputable à la Commission ou à la BCE. La constatation, au point 45 de
l’ordonnance, selon laquelle «
il n’y a aucun élément dans le dossier qui pourrait
conduire à la conclusion que la déclaration attaquée devait être considérée comme
une déclaration établie en réalité par la Commission et de la BCE» est extrêmement
importante pour l'examen du pourvoi.
9.
La Commission souligne la pertinence de cette constatation étant donné que les
requérants au pourvoi, en leur qualité de requérants en première instance, font valoir
dans leur requête, sans aucune autre explication ou motivation, que la déclaration de
l’Eurogroupe constitue, en substance, une décision commune de la BCE et de la
Commission qui agissent «par le truchement de l’Eurogroupe»7. Les requérants au
pourvoi, en leur qualité de requérants en première instance, sont peut-être partis du
principe que la déclaration de l’Eurogroupe devait être imputée à la Commission et
à la BCE, mais ils n’ont pas avancé le moindre argument à l’appui de cette thèse
arbitraire. Aux points 37 à 50 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté, au
moyen d'une argumentation circonstanciée, cette thèse dénuée de tout fondement.
En particulier, contrairement à ce qu'affirment les requérants au pourvoi8, le
Tribunal a examiné en détail, aux points 39 à 43 de l’ordonnance attaquée, la
structure et le mode de fonctionnement de l’Eurogroupe ainsi que la participation
prévue de la Commission et de la BCE aux réunions de ce dernier. En conséquence,
c'est sans fondement que les requérants soutiennent que le Tribunal n’a pas
suffisamment motivé sa constatation correcte et circonstanciée selon laquelle les
parties défenderesses en première instance (la Commission et la BCE) n’ont pas
adopté l’acte attaqué.
7 Pages 2, 7 et 11 de la requête dans l’affaire Τ-327/13.
8 Page 6, point b).
5
10.
Dans le cadre du premier moyen de pourvoi, les requérants invoquent enfin
l’argument9 selon lequel le Tribunal n’aurait pas examiné le fait que la République
de Chypre et notamment le gouverneur de la Banque centrale de Chypre n’ont pas
agi de leur propre initiative, mais ont appliqué les décisions prises par le truchement
de l’Eurogroupe. Cet argument est inopérant car il est fondé sur le postulat erroné
selon lequel l’acte attaqué a été adopté par la Commission et la BCE. En tout état de
cause, il s'agit d'un argument irrecevable et inopérant, puisqu’il n’a aucun rapport
avec l’appréciation du Tribunal sur la légalité de l’acte attaqué.
Sur le deuxième moyen de pourvoi
11. Dans le cadre du second moyen de pourvoi, les requérants soutiennent que c’est à
tort que le Tribunal a considéré que la déclaration attaquée n’était pas susceptible de
produire des effets juridiques à l’égard des tiers. À l’appui de ce moyen, les
requérants, d’une part, renvoient à l’argumentation qu’ils ont développée dans le
cadre du premier moyen de pourvoi et, d’autre part, indiquent que la décision de
l’Eurogroupe est un acte attaquable et que la thèse voulant que la République de
Chypre soit seule responsable de la réduction de la valeur des dépôts est arbitraire.
12.
La Commission fait observer qu'aux points 51 à 62 de l’ordonnance attaquée, le
Tribunal expose de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l’acte attaqué
n’est pas susceptible de produire des effets juridiques, y compris la réduction de la
valeur des dépôts des requérants, à l'égard des tiers. Cela ressort, comme le relève à
juste titre le Tribunal, tant des dispositions régissant le fonctionnement de
l’Eurogroupe, qui ne l'habilitent pas à adopter des actes juridiquement
contraignants10 que du libellé de la déclaration litigieuse, qui est de nature purement
informative11.
13.
Par conséquent, le deuxième moyen de pourvoi doit également être rejeté par la
Cour comme étant dénué de fondement.
Sur le troisième moyen de pourvoi
9 Page 6, point a) et page 7, point d), du pourvoi.
10 Point 53 de l’ordonnance attaquée.
11 Points 54 à 60 de l’ordonnance attaquée.
6
14.
Dans le cadre du troisième moyen de pourvoi, les requérants renvoient aux
arguments irrecevables et inopérants qu'ils ont avancés dans le cadre du premier
moyen de pourvoi. Les requérants réaffirment que le Tribunal n’aurait pas examiné
correctement le lien juridique et factuel entre l’Eurogroupe et les parties
défenderesses ni cherché à identifier le véritable responsable de la réduction de la
valeur des dépôts.
15.
La Commission souligne que, dans la mesure où ces arguments ont trait à
l’appréciation du Tribunal sur la légalité de l’acte attaqué et sont par conséquent
recevables, ils doivent être rejetés comme étant dénués de fondement. Il suffit de
rappeler que le Tribunal a examiné de manière exhaustive et correcte la relation
entre l’Eurogroupe et les parties défenderesses et a conclu (points 39 à 50 de
l'ordonnance attaquée) que ni la Commission ni la BCE ne pouvaient agir par le
truchement de l'Eurogroupe dont les déclarations ne peuvent leur être imputées.
16.
Le Tribunal n'était pas tenu de répondre à la question de savoir qui est le véritable
responsable de la réduction de la valeur des dépôts pour statuer sur la légalité de
l’acte attaqué. En tout état de cause, le Tribunal décrit, aux points 15 et 18 de
l’ordonnance attaquée, les mesures du gouvernement chypriote qui ont conduit à la
réduction de la valeur des dépôts des requérants. Aucune de ces mesures n’a fait
l'objet du recours en annulation qui a donné lieu à l’ordonnance attaquée — ni ne
pouvait en faire l'objet en raison de l’incompétence du Tribunal.
17. En outre, l’argument tiré du fait que le Tribunal n'a pas cherché à identifier le
véritable auteur de l’acte attaqué doit être rejeté car le Tribunal a examiné et a rejeté
à juste titre comme étant irrecevable12 une demande analogue de constatation de
nature déclaratoire présentée par les requérants dans le cadre de leur pourvoi.
12 Points 63 à 65 de l’ordonnance attaquée.
7
IΙΙ. CONCLUSION
18. Par ces motifs, la Commission a l’honneur de conclure à ce qu’il plaise à la Cour:
A) rejeter le pourvoi comme étant irrecevable dans la mesure où, d’une part, il
n’identifie pas les points de l’exposé des motifs de l’ordonnance attaquée qui
seraient entachés d’une erreur de droit et, d’autre part, il contient des arguments qui
n'ont aucun rapport avec l’appréciation du Tribunal sur la légalité de l’acte attaqué.
B) en tout état de cause, rejeter le pourvoi comme étant dénué de fondement dans son
intégralité.
C) condamner les requérants aux dépens.
Jean-Paul Keppenne
Minas Konstantinidis
Agents de la Commission
Document Outline
- ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance rendue par le Tribunal dans l’affaire Τ-327/13.
- I. INTRODUCTION
- 1. La Commission rappelle que le Tribunal, dans son ordonnance du 16 octobre 2014, a rejeté comme étant irrecevable le recours des requérants qui avait pour objet d'obtenir l’annulation de la déclaration de l’Eurogroupe du 25 mars 2013 relative, notam...
- 2. Les requérants avancent trois moyens de pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal. La Commission estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en adoptant l'ordonnance attaquée et présentera ses observations sur les moyens de pourvoi dans...
- Sur le premier moyen de pourvoi
- 3. Les requérants soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation car le Tribunal a mal interprété ou n’a pas suffisamment et/ou pas du tout examiné la décision de la réduction de la valeur des dépôts sur la base des faits...
- 4. La Commission fait tout d’abord observer que conformément à l'article 256 TFUE, à l'article 58 du statut de la Cour de justice et à l'article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit identifier avec précision les poi...
- 5. En l’espèce, les requérants, dans le cadre du premier moyen de pourvoi, n'identifient pas les points des motifs de l’ordonnance attaquée qui sont entachés d’une erreur de droit en interprétant de manière erronée les faits de l’affaire. Cette consta...
- 6. Si la Cour ne juge pas irrecevable le premier moyen de pourvoi dans son intégralité, ce dernier devra en tout état de cause être rejeté comme étant dénué de fondement étant donné que l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée dans son ensemble....
- 7. Aux points 37 à 50 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a pleinement motivé la constatation selon laquelle l’acte attaqué ne peut être imputé à la Commission ou à la BCE. Comme le relève à juste titre le Tribunal , l'Eurogroupe constitue une réuni...
- 8. Le Tribunal constate, par conséquent, que la déclaration attaquée de l’Eurogroupe n’est pas imputable à la Commission ou à la BCE. La constatation, au point 45 de l’ordonnance, selon laquelle «il n’y a aucun élément dans le dossier qui pourrait con...
- 9. La Commission souligne la pertinence de cette constatation étant donné que les requérants au pourvoi, en leur qualité de requérants en première instance, font valoir dans leur requête, sans aucune autre explication ou motivation, que la déclaration...
- 10. Dans le cadre du premier moyen de pourvoi, les requérants invoquent enfin l’argument selon lequel le Tribunal n’aurait pas examiné le fait que la République de Chypre et notamment le gouverneur de la Banque centrale de Chypre n’ont pas agi de leu...
- Sur le deuxième moyen de pourvoi
- 12. La Commission fait observer qu'aux points 51 à 62 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal expose de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l’acte attaqué n’est pas susceptible de produire des effets juridiques, y compris la réduction de ...
- 13. Par conséquent, le deuxième moyen de pourvoi doit également être rejeté par la Cour comme étant dénué de fondement.
- Sur le troisième moyen de pourvoi
- 14. Dans le cadre du troisième moyen de pourvoi, les requérants renvoient aux arguments irrecevables et inopérants qu'ils ont avancés dans le cadre du premier moyen de pourvoi. Les requérants réaffirment que le Tribunal n’aurait pas examiné correcteme...
- 15. La Commission souligne que, dans la mesure où ces arguments ont trait à l’appréciation du Tribunal sur la légalité de l’acte attaqué et sont par conséquent recevables, ils doivent être rejetés comme étant dénués de fondement. Il suffit de rappeler...
- 16. Le Tribunal n'était pas tenu de répondre à la question de savoir qui est le véritable responsable de la réduction de la valeur des dépôts pour statuer sur la légalité de l’acte attaqué. En tout état de cause, le Tribunal décrit, aux points 15 et 1...
- 17. En outre, l’argument tiré du fait que le Tribunal n'a pas cherché à identifier le véritable auteur de l’acte attaqué doit être rejeté car le Tribunal a examiné et a rejeté à juste titre comme étant irrecevable une demande analogue de constatation...
- 18. Par ces motifs, la Commission a l’honneur de conclure à ce qu’il plaise à la Cour:
- A) rejeter le pourvoi comme étant irrecevable dans la mesure où, d’une part, il n’identifie pas les points de l’exposé des motifs de l’ordonnance attaquée qui seraient entachés d’une erreur de droit et, d’autre part, il contient des arguments qui n'o...
- B) en tout état de cause, rejeter le pourvoi comme étant dénué de fondement dans son intégralité.
- C) condamner les requérants aux dépens.